Crédit photo : Catherine Grosemans

L’annonce par le Centre de services scolaires de la Rivière-du-Nord de l’abolition de cinq programmes régionalisés suscite des réactions très fortes. Un groupe de parents se mobilise et l’émotion est au rendez-vous. Beaucoup de questionnement et des craintes de voir les programmes sportifs tomber.

À ceux qui ne sont pas au fait des détails, je vous invite à lire cet article.

Des cinq programmes concernés, trois sont sportifs. Le hockey à l’école secondaire Cap-Jeunesse ainsi que le football et le cheerleading à l’école Saint-Stanislas. Les parents, les joueurs et les responsables des programmes s’expliquent très mal cette décision.

En fait, on abolit une offre de services de transport qui permettait à des élèves vivant à l’extérieur du bassin desservi par une école de s’inscrire dans un programme dit régionalisé. Le service de transport scolaire était inclus. On connaît aussi ces structures sous le nom d’écoles passerelles.

L’abolition des structures régionalisées ne signifie pas l’abolition des programmes sportifs en soit. Ceux-ci sont transformés en profils offerts et gérés par les écoles elles-mêmes à leurs élèves. Une technicalité administrative, pourrait-on conclure.

Mais pourquoi abolir cette structure qui fonctionne bien? Initialement, le conseil d’administration du CSSRDN a justifié sa décision par quatre points :

  • Le contexte de croissance de clientèle actuelle et future au niveau secondaire.
  • La possibilité pour une école aujourd’hui d’offrir le profil sans solliciter l’inscription d’élèves hors bassin. Une réforme du gouvernement actuel ayant éliminé l’obligation pour les élèves d’obtenir une autorisation spéciale pour fréquenter une école autre que celle de leur quartier.
  • La saine gestion financière. En offrant le transport aux élèves hors bassin, les frais reliés ne sont pas financés par le MEQ. Le CSSRDN soulève que cela met ainsi à risque l’équilibre budgétaire et la capacité d’offrir le transport scolaire à l’ensemble des élèves.
  • Les élèves auront toujours accès à l’offre de profil de l’école. Un-e élève hors bassin pouvant toujours s’inscrire à l’école de son choix, mais devra se véhiculer soi-même. Le Centre de services souligne que l’école est la mieux positionnée pour être à l’écoute des besoins des élèves et que le conseil d’établissement s’assure de répondre aux besoins des élèves et de favoriser la persévérance scolaire.

« La grogne actuelle est injustifiée à notre sens », a déclaré la conseillère en communication du CSSRDN, Nadyne Brochu. « Il y a une incompréhension chez les parents qui voient dans la décision une abolition des programmes sportifs. Ce n’est pas le cas. En fait, on démocratise les services aux élèves. Ils seront plus nombreux à pouvoir jouer. »

À la base de la mésentente est l’accessibilité. Selon le CSSRDN, les élèves pourront continuer de s’inscrire à Cap-Jeunesse, St-Stanislas, Émilie-Frenette (musique) et Hauts-Sommets (informatique). Et en théorie, c’est parfaitement vrai. Toutefois, la population grandit à vitesse grand V et la priorité sera donnée aux jeunes habitant à proximité de ces écoles. Il est donc très légitime de croire qu’il deviendra de plus en plus difficile pour les élèves de l’extérieur de s’y inscrire.

Pour André Daoust, père d’un joueur de hockey à Cap-Jeunesse et un des initiateurs de la page Facebook Contre l’abolition des programmes régionaux par le CSSRDN, le risque de voir les inscriptions baisser de façon drastique est bien réel. « Les jeunes de l’extérieur du bassin vont aller jouer où? Les Couguars offrent un encadrement qu’une équipe civile ne peut pas donner. Les autres écoles n’offrent pas de programme de hockey de ce calibre. Il leur restera les écoles privées, mais ce n’est vraiment pas tout le monde qui peut se le permettre. Les risques d’en voir abandonner leurs études est bien réel. »

Il est à noter que 84% des élèves inscrits au programme actuel de hockey à Cap-Jeunesse proviennent de l’extérieur du bassin de l’école. Pour les programmes de football et cheerleading à St-Stanislas, 94%.

Sur le groupe Facebook qui compte déjà près de 800 membres au moment d’écrire ces lignes, les commentaires et les questions fusent. En voici quelques exemples pris au hasard.

  • C’est certain qu’à court terme les inscriptions diminueront drastiquement! Mon fils a fait son foot à St-Stan pendant 5 ans. Ses coéquipiers venaient de partout!! Et les joueurs étaient sélectionnés selon leurs compétences. Je suis certaine que cest la même chose pour le hockey,cheers,info,musique.
  • Je suis maintenant un enseignant, mais j’ai été élève à Saint-Stanislas en football. Ce programme m’a aidé à prendre confiance en moi et développer des habiletés sportives. Cela m’a permis de rencontrer des amis incroyables et à trouver le plaisir d’aller à l’école chaque matin. J’ai adoré le programme et j’ai même continué au cégep. C’était bon pour ma santé mentale et physique. J’ai joué 8 ans au football et ce sont mes meilleurs souvenirs de jeunesse. Je trouve ça déplorable d’enlever cette richesse aux futurs générations.
  • Dommage, le gouvernement investit pour le mieux-être de nos jeunes et contrer le décrochage scolaire. Et une autre institution gouvernementale coupe le budget de la mauvaise façon et nos enfants sont pénalisés. Tous ces programmes régionaux on paie la différence en tant que parent à l’entrée scolaire. Alors où est problème?
  • Ma grande en est à sa première année du secondaire, dans le profil cheerleading. Elle adore son école, elle adore son profil et selon la lettre, rien ne changera pour elle. Toutefois, sa soeur témoin du récent parcours de sa grande soeur, ne se peu plus d’attendre encore 8 mois pour faire les évaluations et espérer intégrer elle aussi le profil cheerleading pour l’année 2023-2024. Pourquoi les parents n’ont pas l’option d’assurer le transport? Ne pourrait-elle pas embarquer avec sa soeur qui elle, sera déjà transportée? Je crois que la décision n’a pas été prise en fonction du bien être des enfants mais plutôt pour une question de finances et ce, sans même avoir consulté les parents qui aurait peut-être pu proposer des solutions favorables pour tous!!

Un des arguments clés des parents est qu’ils ne croient pas à la possibilité évoquée par le CSSRDN de voir les autres écoles créer des programmes sportifs de la qualité qui sont offerts actuellement.

« Je ne sais pas comment ils peuvent croire que de nouveaux programmes vont apparaître. Il n’y aura pas plus d’aréna, pas plus de terrains de football, pas plus d’arbitres – un problème déjà important actuellement. Et où vont-ils trouver des entraîneurs de grande qualité comme ceux qu’il y a en ce moment? Le calibre va être dilué.

André Daoust, initiateur du mouvement de contestation de l’abolition des programmes régionalisés

Le maintien du calibre de jeu des équipes est aussi un sujet qui revient souvent dans les discussions. La motivation des jeunes à vouloir faire partie d’un programme élite existe. Bien que l’on voit de plus en plus de jeunes faire le choix de jouer dans un calibre moins fort pour être avec leurs amis, il demeure qu’il y a une fierté pour tout le monde dans une école quand un programme excelle. La notoriété d’un programme a ses avantages, notamment pour attirer des entraîneurs expérimentés.

Et le calibre est particulièrement important au cheerleading. Si la pratique de ce sport est moins exigeante quant aux infrastructures nécessaires, ne peut pas s’improviser cheerleader qui veut. Pour arriver à obtenir des résultats intéressants en compétition et assurer la sécurité de tout le monde, ça prend des aptitudes. Pour trouver des cheerleaders élite, il faut souvent élargir le bassin de recrutement.

M. Daoust ajoute que rien n’a été présenté non plus concernant l’encadrement scolaire des élèves qui risquent de n’avoir plus de place dans les écoles offrant les programmes sportifs. Un élément primordial pour la réussite scolaire.

Pour le programme de football à Saint-Stanislas notamment, plusieurs jeunes viennent de secteurs très défavorisés. On m’a confié que c’est parce qu’on va les chercher en autobus pour jouer au football qu’ils sont assidus à l’école. Que leur arrivera-t-il s’ils n’ont plus accès à un programme comme celui qu’on leur offre?

Un important membre du personnel politique d’un ministre m’a partagé qu’à son avis, la décision a peut-être été prise trop vite. Selon cette personne, il aurait d’abord fallu ficeler une solution concrète avant d’annoncer l’abolition d’un service. Des questions vont être posées…

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