Une décision du conseil d’administration du Centre de service scolaire de la Rivière-du-Nord (CSSRDN) a causé un certain émoi dans la région de St-Jérôme. Paru dans l’édition du 23 mars du journal Infos Laurentides sous la plume du journaliste Mychel Lapointe, un article parle de l’abolition des programmes régionalisés. Plusieurs ont conclu à la fin des équipes sportives de football, hockey et cheerleading. Ce n’est pas officiellement le cas, mais il y a peut-être péril en la demeure.

D’abord, il est important de comprendre qu’un programme régionalisé est une structure permettant à une école de créer un programme, par exemple une équipe de football, qui sert aux élèves de toute une région. On appelle aussi ces écoles, des écoles passerelles. Ainsi, des élèves qui habitent à l’extérieur du bassin de population de l’école peuvent s’inscrire à cette école via le programme de football sans avoir à demander une autorisation, en plus d’avoir accès à un service de transport scolaire.

Suite à la réforme du ministre de l’Éducation actuel, Jean-François Roberge, qui a mené à la transformation des commissions scolaires en Centre de services scolaires, les jeunes ne sont plus obligés d’obtenir une autorisation spéciale pour pouvoir fréquenter une école à l’extérieur de leur bassin. C’est une bonne chose pour faciliter la flexibilité.

Le conseil d’administration du Centre de services scolaires de la Rivière-du-Nord a profité de cette nouvelle possibilité pour sauver des sous. C’est qu’en annonçant la fin du programme régionalisé, le CSSRDN n’offrira plus le transport aux élèves habitant à l’extérieur du bassin, tout en pouvant clamer que les élèves ont toujours accès aux programmes sportifs. Une façon aussi de réorganiser son offre afin de palier à un problème important dans la région de St-Jérôme, l’augmentation exponentielle de la population.

L’école secondaire Saint-Stanislas de Saint-Jérôme accueille les équipes de football et de cheerleading de cette structure régionalisée. Cap-Jeunesse, également située à Saint-Jérôme, est quant à elle l’hôtesse du programme de hockey. Des programmes régionalisés en musique et en informatique subiront également les conséquences de cette décision.

En entrevue téléphonique, Madame Nadyne Brochu, conseillère aux communications du CSSRDN, a expliqué la décision du conseil d’administration, communiquée le 18 mars dernier aux parents.

« Ce ne sont pas les programmes sportifs qui sont abolis, mais la structure régionalisée. Les écoles pourront continuer de les offrir, mais sous forme de profils. Les élèves habitant en-dehors du territoire naturellement desservi par l’école avaient droit à une offre de transport scolaire s’ils faisaient partie des équipes. La différence principale est qu’ils devront dorénavant se véhiculer eux-mêmes. »

Nadyne Brochu, conseillère aux communications du CSSRDN

Vrai que les parents des élèves habitant à l’extérieur du bassin des écoles Saint-Stanislas et Cap-Jeunesse pourront inscrire leurs enfants dans ces écoles. Mais, il n’est pas clair qu’ils seront admis. C’est que la priorité ira aux élèves qui habitent le bassin. Et si un élève réussit à avoir sa place une année, sa place n’est pas réservée pour l’année suivante. C’est par ailleurs parfaitement normal qu’une famille puisse envoyer ses enfants à l’école de son quartier.

Et l’enjeu démographique est majeur. « On ne peut plus faire entrer autant d’élèves de l’extérieur du bassin », nous explique madame Brochu. Des intervenants ayant requis l’anonymat m’ont parlé d’écoles qui verront leur population doubler d’ici 2027, année où de nouvelles écoles devraient ouvrir leurs portes. Ce surplus d’élèves sera installé dans des roulottes… Mais revenons au volet sportif.

La lettre envoyée aux parents inscrits dans les programmes régionalisés – et sur laquelle Bulletinsportif a pu mettre la main – mentionne que les élèves déjà inscrits à Saint-Stanislas et Cap-Jeunesse vivant en-dehors du bassin normal pourront terminer leur formation tel que prévu en jouant au hockey et au football ou en pratiquant le cheerleading. Et ça inclut les élèves de 6e année qui sont déjà inscrits pour la prochaine année scolaire.

Les programmes sportifs pourront donc continuer de fonctionner, mais sur une base locale, en l’offrant aux élèves inscrits à cette école. Un règlement du RSEQ stipulant que seuls les élèves d’une école peuvent la représenter au sein de ses équipes sportives. On ne pourrait donc pas avoir des élèves d’une école voisine qui viendraient participer aux entraînements du matin et jouer les matchs le soir.

Actuellement, ce sont 971 élèves qui sont inscrits dans un programme régionalisé, de sport ou autre, sur plus de 9 000 inscrits au niveau secondaire au sein d’un établissement du CSSRDN. Selon le CSSRDN, 65% d’entre eux viennent de l’extérieur de leur bassin, c’est donc 631 élèves à transporter.

Mais qu’en est-il de la pérennité des programmes sportifs scolaires?

Pour bien des gens au fait de la situation, les baisses d’inscription pourraient arriver rapidement. Pour les programmes sportifs uniquement, le pourcentage d’élèves provenant de l’extérieur des bassins est encore plus élevé. En cheerleading et football à Saint-Stanislas, c’est 94%, alors qu’en hockey à Cap-Jeunesse, c’est 84%. Des chiffres obtenus auprès du CSSRDN.

Comme les écoles seront de plus en plus fréquentées par des élèves habitant plus près, il y aura invariablement moins de place pour ceux qui proviennent de l’extérieur. Et les programmes régionalisés ont justement été créés pour offrir des services dans un cadre scolaire public, notamment pour encourager la persévérance scolaire. Est-ce qu’on réussira à remplacer autant d’élèves-athlètes? Au point de ne pas en avoir assez pour maintenir des équipes? À voir.

Et que répond-on au CSSRDN à un parent qui se demande ce qui arrivera en cas de baisses dans les inscriptions? Une communication faite auprès des parents via un Questions-Réponses mentionne ceci :

« S’il y a une baisse d’inscription, cela représentera une baisse d’intérêt des besoins de la clientèle de l’école. Certains parents feront peut-être d’autres choix pour leur enfant. L’objectif demeure d’offrir le meilleur à nos élèves dans le respect de notre capacité d’accueil et en réponse à leurs intérêts qui peuvent évoluer au fil du temps. »

Cette réponse ne fait pas plaisir à de nombreux intervenants et à plusieurs parents. Comme s’il y avait un désintérêt pour la qualité du travail fait depuis de nombreuses années. Plus de 30 ans dans le cas des Couguars de Cap-Jeunesse. Comme si d’offrir du sport de haut niveau n’avait pas d’importance.

Toutefois, comme me l’a fait remarquer madame Brochu : « Si la demande est forte dans d’autres écoles, rien ne leur empêchera de créer leur propre programme. » Une réponse qu’on peut retrouver dans un document Questions-Réponses échangé entre les parents et le CSSRDN sur lequel nous avons aussi mis la main.

Selon Gustave Roël, pdg du RSEQ, la question est ailleurs. « Est-ce que le fait de ne plus être en regroupement va se matérialiser en une augmentation de l’offre dans les autres écoles? »

Au RSEQ, on veut l’offre la plus large possible. L’accessibilité et l’offre de services sont plus importantes que les divisions dans lesquelles évoluent les équipes. Ce qu’on voit arrive juste au hockey et au football. Pour le premier à cause de l’accès à un aréna et pour le deuxième en lien avec la grande quantité de joueurs que le sport exige. Ce n’est pas tout le monde qui peut avoir les infrastructures, mais la possibilité d’aller dans une autre école que celle de notre quartier demeure là.

Gustave Roël, pdg du RSEQ

On comprend et on souhaite qu’un maximum de jeunes doivent avoir la chance de jouer, d’apprendre et de s’améliorer. Il existe des catégories qui permettent aux équipes sportives d’être inscrits dans des calibres de jeu qui leur convient. Mais, si les équipes sportives de Cap-Jeunesse et Saint-Stanislas ne maintiennent pas leur niveau de jeu, plusieurs des meilleurs élèves-athlètes seront attirés par les programmes offerts dans les écoles privées. Ça fera boule de neige et éventuellement, il pourrait ne plus y avoir assez d’inscriptions. C’est du moins l’avis de plusieurs intervenants dans ces écoles à qui j’ai parlé et qui craignent sérieusement les effets de la décision.

La baisse des inscriptions ne fait pas seulement craindre pour la notoriété des programmes. Bien qu’on m’ait fait remarquer que si Saint-Stanislas et Cap-Jeunesse n’arrivent plus à offrir du sport de calibre D1 et D2, le CSSRDN serait un des seuls de la province à ne pas offrir ce niveau en football et en hockey. Il y a aussi, et surtout, l’impact sur la persévérance scolaire des élèves-athlètes.

Les profils vont continuer de favoriser la persévérance des éleves de bassin […] Cette transformation des programmes ne diminue pas l’offre aux élèves, elle permet à l’école une pleine gestion des profils pour les élèves de bassin et ceux hors bassin étant inscrits jusqu’en 2027-2028, pour qui nous assumerons le transport

Réponse du CSSRDN à la question : Ne trouvez-vous pas paradoxal de transformer les programmes régionaux alors que c’était favorisé pour soutenir la persévérance et la réussite de nos élèves?

Il faut savoir que les taux de diplomation sont supérieurs à la moyenne du reste des élèves au sein des programmes sportifs de ces deux écoles.

Ah et point à souligner à grands traits! Tous les programmes régionalisés sont abolis, à deux exceptions. Le programme d’éducation internationale et le programme Sports-études . Ça envoie un drôle de message. Les meilleurs élèves ont droit à leur programme et aux avantages qui viennent avec, mais pas ceux qui utilisent le sport, la musique ou l’informatique pour rester motivés?

Sachant tout cela, quelles seront les conséquences à terme pour ces équipes sportives? Quel sera l’effet sur l’offre de services dans le réseau public de cette région? Nous n’aurons pas la réponse immédiatement, mais nous n’avons pas fini d’entendre parler de cette histoire. Il sera très intéressant de la suivre.

Et pour terminer, juste mentionner que cette année, le budget de transport pour les jeunes inscrits dans les programmes régionalisés est de 877 000$, sur des dépenses totales de transport de 11 M$ et un budget total d’opération pour le CSSRDN de plus de 370 M$. Est-ce qu’on aurait dû s’informer et attendre l’annonce par le gouvernement d’un ajout de 1,6 milliards$ au budget d’ici 5 ans pour la persévérance scolaire, dont 250 M$ pour faire bouger les jeunes de la province?

À suivre…

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