Tu rêves de jouer pour Notre-Dame ou Alabama? D’être repêché dans la NFL et de gagner un Superbowl?Cool, je te le souhaite du plus profond de mon coeur. Mais svp, fais attention à l’endroit où tu mets tes sous et à qui tu fais confiance au passage. Les charlatans existent et ils sont à l’oeuvre.

Depuis des mois, j’observe, je constate, je pose des questions, je discute. Et force est d’admettre qu’on voit de plus en plus de vendeurs de rêve qui font miroiter le nirvana à nos jeunes athlètes. Et le nirvana c’est quoi? Les STATES!

Via les réseaux sociaux et des vidéos léchées, on fait la promotion de  » camps d’identification  » où on annonce à coups de grands titres que des entraîneurs et des recruteurs des grandes universités seront présents à la recherche de la perle rare. Une fois sur place, où sont les recruteurs promis? Pas là, mais c’est pas grave, on va leur faire parvenir les vidéos de l’événement. Et puis, ceux qui ont impressionné dans les scéances de un contre un vont être mis de l’avant sur Instagram. Un bon prix de consolation, vous pensez?

Dans certains cas, la bonne volonté des organisateurs au départ ne peut même pas être remise en question. Leur but est réellement de faire vivre une belle expérience aux jeunes et ils croient sincèrement que ce qu’ils font pourra faire une différence dans le cheminement des meilleurs. Mais ils s’y prennent mal.

D’abord, parce que sans entraîneurs ou recruteurs sur place, ça ne sert à rien. Un entraîneur ne tombera pas en amour avec un joueur sans le voir de ses yeux. Matthew Bergeron, repêché par les Falcons d’Atlanta le mois dernier, a été vu par des entraîneurs de Syracuse lors d’un camp d’identification, à l’université même. Le processus est bon. Mais pour qu’il ait des effets réels, il faut que des entraîneurs soient sur place.

Évidemment, il peut arriver qu’un entraîneur ait un empêchement qui justifie son absence à un événement. Mais aucun plan B? Deux ou trois entraîneurs de l’équipe collégiale située à 10 kilomètres du camp ne remplacent pas le prestige du recruteur de la NCAA annoncé au départ. Ça peut être assez décevant pour une famille qui fait quelques heures de route et qui a probablement loué une chambre d’hôtel en plus du restaurant, pour participer sans savoir qu’on n’aura pas ce qu’on était venu chercher.

Si on présentait ces événements comme des compétitions de un contre un avec des stations d’exercices de perfectionnement guidés, ce serait parfait. Mais des camps d’identification? Identifier quoi au juste? C’est qu’il faut savoir que les camps dont il est question ne sont pas particulièrement fréquentés par les entraîneurs universitaires d’ici.

Les entraîneurs de partout au Canada ont tous les camps et les contacts nécessaires pour découvrir de nouveaux talents et voir les joueurs qui les intéressent à l’oeuvre. Mais certains personnages qui y voient une occasion de faire de l’argent font miroiter autre chose aux jeunes. Particulièrement la route vers les États-Unis. On aime vous faire croire que le meilleur moyen de se développer est d’aller jouer au sud de la frontière dès le plus jeune âge.

C’en est rendu que certains boudent des camps prestigieux comme ceux d’Équipe Québec. D’autres sont parfois prêts à refuser l’invitation d’Équipe Québec si on leur demande de jouer une nouvelle position. Taboire, ce sont les meilleurs coachs de la province qui sont à la tête de ce programme encadré par la fédération elle-même. Vous voulez quoi de plus légitime?

Équipe Québec c’est la meilleure opportunité pour être vu par des coachs à travers le pays. Tu performes à ce niveau? Tu pourrais représenter le Canada à la coupe du monde junior. Pensez-vous vraiment que les recruteurs boudent ces événements au profit d’une scéance vidéo d’un camp d’identification d’élèves de secondaire 3?

Évidemment, il n’y a pas qu’Équipe Québec pour se faire voir. Le niveau collégial au Québec est un tremplin formidable avec une visibilité auprès de tous les programmes universitaires canadiens et américains. La vie de Prep Schools vous intéresse? C’est parfait aussi.

Parmi ces camps, celui qui me fait le plus gratter la tête est celui de Canada Football Chat (CFC). 200$ pour participer à un camp qui pourrait vous permettre d’aller jouer un match diffusé sur les ondes de TSN. C’est big et bien entendu, ça fait écarquiller les yeux des jeunes. Mais quel coach au Canada ou aux États-Unis fait son recrutement à partir des listes de ce site, qui n’a pour but que d’imiter les modèles américains de 24/7, Rivals et ESPN?

Si je me fie à ceux à qui j’ai parlé au Québec et en Ontario, la réponse est aucun. Oh, certaines universités à l’extérieur du Québec vont inscrire le rang CFC de la nouvelle recrue au moment d’en faire l’annonce sur les réseaux sociaux. Mais c’est du marketing, tout simplement. Dire qu’on a recruté John Doe de Blabla High School, ça ne sonne souvent pas de cloche. Mais d’ajouter qu’il est classé dans le top 20 CFC à sa position, ça peut donner l’impression aux fans que c’est un superbe coup. Ceci dit, l’entraîneur qui a recruté ce jeune n’a pas eu à demander aux soi-disant experts de CFC ce qu’ils en pensaient avant de le contacter.

Est-ce que je peux vous parler aussi du nouveau phénomène des agents? Des gars qui magasinent un cégep pour leur « protégé ». Ils font quoi à votre avis ces agents? Quelle est leur plus value? Arriver avec des exigences quant à l’utilisation d’un jeune de 17 ans? Je n’ai pas obtenu l’information à savoir si les agents en question étaient rétribués pour ce magasinage. Par contre, une chose est certaine, plusieurs entraîneurs m’ont fait savoir que cette approche les rebute au plus haut point et qu’en réalité elle ferme plus de portes qu’elle n’en ouvre.

Il existe des cas bien réels de jeunes de 13 ou 14 ans qui sont contactés par ces agents à partir de réseaux sociaux. Les agents les invitent à s’inscrire à des camps d’identification pour ensuite leur mentionner qu’ils peuvent les aider à se trouver une place dans un high school aux États-Unis. Moyennant une somme qui peut être assez élevée, jusqu’à 2 500 $, on fera les démarches pour eux. Les parents ne sachant pas comment les choses fonctionnent finissent parfois par apprendre trop tard qu’ils auraient pu avoir les mêmes services et souvent mieux, gratuitement en passant par des entraîneurs universitaires ou collégiaux d’ici.

Le milieu du football québécois doit trouver un moyen de renseigner les jeunes et leurs parents à propos de ce qui est légitime ou non. Que la grande majorité des entraîneurs collégiaux et universitaires se tiennent loin de ces camps d’identification en dit long. Qu’on voit émerger des agents qui demandent de l’argent pour accompagner des jeunes dans leurs démarches est aussi un sapré problème.

Questionnée sur la situation, la fédération Football Québec s’en lave les mains. « Malheureusement ce sont des entreprises privées et nous n’avons aucun contrôle sur eux », a déclaré le coordonnateur au développement et registraire de la fédération, Marc Fortin.

Relancé à savoir s’il n’y aurait pas lieu de trouver une façon d’informer les membres, mon courriel est demeuré sans réponse.

Les entraîneurs collégiaux et universitaires ont tout intérêt à faire savoir aux jeunes par l’entremise de publications ou en communiquant avec les entraîneurs des jeunes d’âge secondaire qu’ils sont en mesure de les aider dans leur cheminement et dans leurs démarches et ce, sans frais. Nos coachs ont plus de contacts et connaissent beaucoup mieux ce qui se passe des deux côtés de la frontière que les escrocs qui vendent du rêve. Il faut les écouter.

Idéalement, les camps d’identification seraient organisés par les entraîneurs collégiaux et universitaires ou recevraient un sceau d’approbation quelconque. Le travail doit se faire conjointement, pas chacun de son côté. Pour le bien réel des jeunes.

Enfin, je ne le répéterai jamais assez. Le football québécois est un excellent endroit pour se développer et atteindre les plus hauts sommets. Le chemin par les États-Unis est tout aussi valable et je ne le dénigre pas, mais c’est faux de croire que c’est un passage obligé.

N’hésitez pas à lire l’article qui suit à ce sujet…

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