Crédit photo : Ina Fassbender
Le Réseau du sport étudiant a lancé il y a deux ans une grande réflexion visant à s’attaquer à diverses problématiques d’inclusion. Un plan d’action a été soumis aux membres et au ministère de l’Éducation en février. Une annonce officielle est attendue en mai. Parmi les questions soulevées, il a celle de l’inclusion des personnes trans. Dans ce cas précis, le RSEQ souhaite provoquer une réaction du gouvernement.
La démarche du RSEQ visait à consolider leurs actions en matière d’équité, de diversité et d’inclusion. Quatre chantiers ont été attaqués pour finalement arriver à pondre un plan d’action : le racisme; la place des femmes; la participation des personnes ayant une limitation fonctionnelle; et enfin, l’inclusion des communautés LGBTQ+.
S’il est assez évident aux yeux des valeurs généralement reconnues par la société québécoise que la race, le sexe ou les capacités physiques d’une personne ne devraient pas l’empêcher de pratiquer des activités physiques, il est aussi évident que des balises doivent exister dans certains cas. Par exemple, on peut penser aux catégories de poids dans certaines disciplines ou simplement aux compétitions distinctes féminines et masculines.
Toutefois, le débat entourant la question des personnes trans prend une place de plus en plus grande dans notre société et il est important de l’adresser. Les exemples d’athlètes trans qui participent et dominent des compétitions féminines font la manchette occasionnellement, forçant ainsi la main de certaines fédérations internationales à statuer.
Cette semaine par exemple, nous avons appris que l’état du Kansas interdit dorénavant aux athlètes transgenres les sports féminins de la maternelle au collège.
En juin 2022, la Fédération internationale de natation (FINA) a pris la décision de ne pas accepter les femmes qui ont amorcé leur transition après l’âge de 12 ans dans les compétitions internationales de natation, de plongeon et de water-polo. Au rugby, on va encore plus loin en banissant toutes les femmes trans des matchs internationaux.
En mars dernier, ce fut le tour de World Athletics, la fédération internationale d’athlétisme, d’y aller de sa prise de position. L’organisation a tracé la ligne en déterminant que si une personne a vécu sa puberté en tant que garçon, elle ne peut pas participer aux compétitions féminines. Dans tous les cas, on mentionne que des études plus poussées devront être réalisées pour s’assurer de nuancer les choses.
Cependant, il est intéressant de lire les travaux du Centre canadien pour l’éthique dans le sport (CCES) qui a fait faire une revue de littérature scientifique sur le sujet. Un rapport a été déposé en 2022 contenant des études bio-médicales ainsi que des études socioculturelles. Parmi ses recommandations, le rapport suggère de reconnaître que la recherche biomédicale n’établit pas clairement que la testostérone confère un avantage athlétique.
De plus, on mentionne que bon nombre de politiques d’inclusion des personnes transgenres imposent des limites arbitraires qui ne s’appuient sur aucune preuve. Et ça a un impact majeur puisque la discrimination envers ces personnes est forte au point qu’elles ne font pas de sport.
Le RSEQ a fait preuve d’initiative en plaçant cette question au centre d’un de ses chantiers. Au bout de deux ans de réflexion, on n’a cependant pas de point de vue clair et sans équivoque. C’est que le RSEQ doit conjuguer avec deux impératifs, le milieu scolaire qui doit être inclusif et les fédérations sportives qui balisent la pratique des sports. En soumettant une proposition de plan d’action au Ministère, il demande à celui-ci de se positionner.
Le bureau de la Ministre Isabelle Charest renvoie la question aux fédérations sportives nationales qui dictent les politiques. On me mentionne qu’il n’y a pas eu de discussion à proprement parler sur le sujet de leur côté.
Quant aux fonctionnaires du secteur Sport, Loisir et Plein air du ministère de l’Éducation, je leur ai demandé si des travaux sont en cours ou prévus à propos de l’intégration des personnes trans dans le sport afin d’émettre des guides pour les fédérations et/ou les établissements qui devront prendre des décisions à ce sujet.
La réponse est la suivante : « Le Ministère se réfère toujours à la Loi visant à renforcer la lutte contre la transphobie et améliorer notamment la situation des mineurs transgenres (Projet de Loi 103, 2016, chapitre 19) pour guider ses actions. À cet égard, le Ministère reconnait l’importance d’offrir un environnement sain, respectueux et inclusif à l’ensemble des jeunes sportives et sportifs du Québec. Ainsi, toutes ses mesures, directives, actions ou autres sont prises en ce sens. »
Sachez que cette dernière réponse ne dit absolument rien parce que la Loi 103 n’avait d’autre but que de faciliter les procédures administratives entourant la reconnaissance du statut de personne trans, notamment chez les mineurs. Bref, on n’a pas cherché fort fort au Ministère pour m’offrir une réponse intelligente.
J’ai donc contacté Isabelle Ducharme, directrice générale de Sports Québec, organisme qui rassemble notamment les 66 fédérations sportives. Questionnée à savoir si une réflexion avait été entamée pour établir une ligne directrice ou une certaine constance entre les fédérations, sa réponse fut la suivante : « Chaque fédération a sa propre ligne à suivre ou est en développement de le faire. Pour le moment, il n’y a pas de constance au Québec. C’est un défi d’avoir une constance du niveau local au niveau international. C’est un sujet qui mérite une très bonne réflexion. »
Du côté fédéral, Sport Canada me répond que son mandat consiste à accroître les possibilités offertes à la population canadienne de faire du sport et d’y exceller, y compris les personnes transgenres.
« Sport Canada continue de soutenir la recherche et de surveiller les données émergentes et les meilleures pratiques internationales pour soutenir une approche progressive de l’inclusion des personnes transgenres dans le sport qui est fondée sur des preuves, sûre, équitable et inclusive pour tous. Les organismes nationaux de sport sont encouragés à développer des solutions novatrices fondées sur des données probantes qui favorisent la dignité, le respect et la compassion envers les athlètes transgenres, tout en préservant l’équité et la sécurité des athlètes féminines. »
Bref, on comprend que la question est loin d’être réglée et que les équipes sportives et les organismes qui les soutiennent nagent dans un certain flou. On conviendra que tout n’est pas évident et que bien des gens devront se pencher sur ce dossier. Mais on peut au moins saluer l’initiative du RSEQ qui veut faire bouger les choses. Ne serait-ce que pour la quinzaine de demandes par année qui sont faites au Réseau et qui méritent qu’on leur réponde.
En attendant, sachez que les niveaux collégial et universitaire canadiens intègrent les athlètes selon ce que la personne déclare.