Le marteau du C.A du RSEQ a frappé l’enclume, les sanctions sont tombées. Et elles sont sévères. Si elles sont maintenues, les conséquences pour avoir volontairement brisé le Bol d’Or serviront de précédent au Québec. Mais la direction du cégep Beauce-Appalaches a déjà fait savoir qu’elle irait en appel de la décision.

D’abord, voici l’extrait du communiqué du RSEQ paru lundi matin, 19 décembre, qui détaille les sanctions imposées et approuvées par le conseil d’administration :

Considérant l’ampleur de la situation ainsi que les éléments présentés, les membres du Conseil d’administration du RSEQ, réunis le 7 décembre 2022, ont unanimement adopté la résolution suivante :

  1. Demande de collaboration au Cégep Beauce-Appalaches (CBA) afin d’identifier précisément les personnes responsables de la destruction du trophée du BOL D’OR collégial division 3 ;
  2. Suspension de toutes procédures administratives en lien avec l’équipe de football du CBA, notamment la réponse à la demande de promotion de l’équipe de football ainsi que la possibilité de signature de lettre d’intention de nouveaux étudiants-athlètes en prévision de la saison 2023, et ce, tant que la liste des personnes responsables de la destruction du BOL D’OR ne sera pas acheminée au RSEQ ;
  3. Amende de $ 10,000 au CBA, avec une période de probation de 2 ans, sans aucun incident sur et hors terrain ;
  4. De mettre en probation pour une période de deux ans les étudiants-athlètes responsables de la destruction du BOL D’OR ;
  5. Le club de football du CBA est banni pour la prochaine année (saison 2023) de toute participation aux séries éliminatoires et donc, d’accessibilité au BOL D’OR et ce, peu importe la division dans laquelle le CBA pourrait évoluer ;
  6. Le RSEQ verra au remplacement et à la conservation de la coupe jusqu’à la saison 2023.

Rappel : Le 19 novembre au soir à Thetford, après une deuxième conquête du titre de la division 3 collégiale de football, les Condors de Beauce-Appalaches ont festoyé. Avec raison. Mais certains, menés par un enthousiasme débordant, ont pris la décision de faire fondre le bol, d’arracher les plaques avec le nom des vainqueurs précédents et d’abîmer le socle de bois du trophée.

Gestes stupides, égoïstes et irrespectueux. Certes, la plupart en conviendra. Mais doit-on y voir une attaque envers un symbole ou l’action d’adolescents immatures? Le jugement doit-il servir à punir les fautifs individuellement ou à lancer un message fort à toutes les institutions membres du Réseau du sport étudiant? Maintenant, est-ce que la punition correspond au crime commis?

Gustave Roël, pdg du RSEQ

« Ce ne fut pas une décision facile à rendre », déclare Gustave Roël, pdg du RSEQ, en entrevue téléphonique. « Le C.A. estt conscient des impacts. Mais les sanctions visent les institutions. Bien que ça frappe aussi les jeunes, les fautifs ne seront qu’en probation et pourront continuer. »

« Nous sommes conscients que c’est sévère, mais on veut que ça ait un effet dissuasif. C’est une première et les conséquences sont évidemment sans précédent. Mais des milliers d’anciens étudiants-athlètes ont réagi à ce manquement face à l’intégrité du Bol d’Or. »

Gustave Roël, pdg du RSEQ

Je ne prétends pas pouvoir déterminer ce qui aurait dû être proposé comme sentence. Et encore moins avoir une réponse qui ferait consensus. Par contre, il est intéressant d’évaluer les conséquences de certaines des sanctions imposées.

D’abord, on veut identifier les fautifs dans le but d’assurer le suivi de la probation de deux ans. Selon Marc Loranger, entraîneur-chef de l’équipe de football des Condors, ce ne sera pas un exercice simple. Par ailleurs, son patron le directeur des études et la vie étudiante, Jean-Philippe Vachon, ne voit pas en quoi c’est le rôle de l’établissement de procéder à une enquête de la sorte.

« Lorsque les événements sont arrivés, nous avons réagi rapidement en interrogeant les joueurs. Nous avons appris les événements, mais également qu’il y avait plusieurs joueurs qui étaient sur place et qui n’ont pas réagi. Les noms des responsables n’ont pas été dévoilés et nous avons alors pris la décision d’imposer des sanctions à tous les joueurs présents. On a joué notre rôle en tant qu’institution d’enseignement, mais on ne peut pas nous demander de faire une enquête criminelle », a déclaré M. Vachon.

Jean-Philippe Vachon, directeur des études et de la vie étudiante au cégep Beauce-Appalaches / Photo : Courtoisie

Ensuite, on suspend toutes procédures administratives tant que la liste ne sera pas remise. L’impact est à deux niveaux. D’abord sur la possibilité pour l’équipe de faire signer des lettres d’intention aux étudiants-athlètes qu’elle souhaite recruter. Ensuite sur l’annonce de la promotion du programme en division 2 ou son maintien en division 3. Je parle d’annonce et non de l’évaluation du dossier car ce travail a déjà été fait selon Gustave Roël.

L’entrée en vigueur imminente de la période de pause dans les discussions entre les entraîneurs et les futurs joueurs donnera quelques semaines de sursis pour envoyer la liste des joueurs impliqués au RSEQ. Mais est-ce que la procédure d’appel sera suffisamment courte pour qu’on sache à quoi s’en tenir après la fin du « black-out »?

Il faut savoir qu’une fois la procédure d’appel entamée, ce sont trois avocats indépendants qui prennent le dossier en charge. M. Roël m’a confié qu’étant donné que le tout est géré hors du réseau, il est incapable de me donner un délai potentiel.

Ceci dit, cette suspension des procédures administratives combinée au banissement des éliminatoires en 2023 rendront très difficile le recrutement. M. Vachon évoque même la mise en péril du programme et la santé mentale des joueurs impliqués. « Faire ça en pleine période de recrutement, ça rend extrêmement difficiles les conditions pour attirer des joueurs. Puis ça met une énorme pression sur les épaules d’étudiants-athlètes. Notre rôle est aussi d’assurer leur sécurité mentale. On les a déjà punis et là on veut les cibler encore plus directement. »

« Il y a sévère et démesuré. Là, on va trop loin »

Marc Loranger, entraîneur-chef des Condors de Beauce-Appalaches

L’entraîneur en a vu d’autres dans sa longue et impressionnante carrière et il ne se gêne pas pour critiquer le RSEQ.

« On fait grand état du symbole que représente le trophée. Si c’était si important à leurs yeux, pourquoi le RSEQ a remis un trophée qui ne tenait même pas à l’équipe championne de D1? Ça reste du bois et du métal. Le vrai symbole, c’est le match. J’étais très déçu quand j’ai vu qu’on avait brisé le trophée, mais j’ai un rôle de père à jouer. On travaille avec des gens. C’est une opportunité d’apprendre et cette fois-ci, j’ai l’impression que le RSEQ n’agit pas plus sagement que les jeunes en les attaquant », s’insurge Loranger.

Marc Loranger, entraîneur-chef des Condors de Beauce-Appalaches / Facebook

Qui plus est, au-delà des sanctions à proprement parler, il y a la manière. Du côté du cégep de Beauce-Appalaches on questionne beaucoup le fait que l’annonce a été rendue publique tôt le lundi matin sans que la direction n’ait été mise au courant auparavant. M. Vachon ne s’est pas caché pour mentionner sa surprise.

« Le RSEQ nous avait demandé un résumé de ce qu’on avait fait suite aux événements. Nous avons toujours été transparents. On a tout fourni. Disons qu’on a davantage communiqué avec eux qu’eux avec nous. »

Le cégep a maintenant trois jours pour entamer la procédure d’appel. La direction travaille avec ses conseillers pour déterminer exactement sur quoi portera le dossier, mais M. Vachon m’a déclaré que le cégep n’en resterait pas là. Il y aura donc une suite à toute cette saga.

Bien qu’on puisse trouver que tout ça prend beaucoup d’ampleur. Il faut comprendre que les réseaux sociaux amplifient bien des choses. Oui, on peut devenir une vedette instantanée, mais on peut aussi faire mal à une réputation tout aussi rapidement. Les conséquences suivent aussi le tort causé. Mais heureusement, un tiers parti pourra évaluer tout ça froidement. Parce que le RSEQ est aussi juge et parti dans cette affaire.