Par un mercredi ensoleillé de mai, l’équipe féminine de hockey des Patriotes du cégep St-Laurent a fait une éloquente démonstration de ce qu’une équipe unie peut accomplir face à l’adversité. Des jeunes femmes menées et encouragées par des leaders fortes ont su gagner un match qui semblait perdu. Les leçons qu’il faudra tirer de leur histoire méritent une belle place dans le grand livre du sport étudiant.

Le point de presse organisé par la députée Libérale de L’Acadie, Christine St-Pierre avait d’abord pour objectif d’exiger que le programme de hockey féminin du cégep ne soit pas abandonné. Étant donné que le travail pour ramener l’équipe l’an prochain était déjà très avancé, il a fallu que les trois députés présents (St-Pierre, Enrico Ciccone et Marwah Rizqy) révisent leur approche. Et plutôt qu’un plaidoyer pour sauver une équipe, on a fait place à la forêt plutôt qu’à l’arbre. On a savamment mis de l’avant des enjeux du hockey féminin, du sport féminin.

J’ai raconté les événements et soulevé de nombreuses questions dans quatre articles parus depuis une semaine. Visitez Bulletinsportif pour les (re)lire. Au moment d’écrire ces lignes, le dénouement de la saga n’est pas encore complété. Toutefois, la confiance est bien réelle que le programme de hockey féminin sera en mesure de reprendre sa route. D’ici vendredi, le nouvel entraîneur-chef Daniel Continelli saura combien de joueuses seront de retour avec l’équipe et combien il devra tenter d’aller en dénicher pour avoir une formation à présenter en 2022-2023.

Cette épopée d’une semaine au coeur d’un cégep et de son programme de hockey devenu dysfonctionnel avec les années aura mis en lumière tellement d’aspects qu’il sera important de s’en souvenir. Il faut espérer qu’il y aura un avant et un après. Que le cas des Patriotes sera un jalon dans l’histoire du hockey féminin au Québec.

Leçon #1 – Le sport métaphore de notre sort

Loco Locass le rappait dans son hymne Le but.

Quand y est question de hockey, nous on fait pas dans la dentelle, okay
C’est plus qu’un sport
C’est une métaphore de notre sort
C’est ça qui nous ressemble
C’est ça qui nous rassemble

Faire partie d’une équipe sportive, c’est bien plus que pratiquer, gagner des matchs et monter dans les classements. C’est un rassemblement de gens qui ne se ressemblent pas toujours, mais qui travaillent ensemble. L’équipe qui gagne un championnat a du talent, oui. Mais la vérité est que c’est la capacité de chacune de ses individualités à placer le sort de son groupe au-devant de toutes ses aspirations qui lui donne le plus de chance de réussir. Chaque personne a ses qualités et la façon dont elle les utilisera en donnant le meilleur d’elle-même la rendra indispensable aux succès du groupe. À la fin, certaines personnes reçoivent plus de crédit ou plus d’attention pour ces succès, mais entre eux, les membres de l’équipe savent tous que chacun a été essentiel à la réussite.

Le cas des Patriotes, c’est aussi une démonstration en-dehors de la patinoire que c’est l’équipe qui gagne avant les individus. La mobilisation des joueuses actuelles et des anciennes. La voix portante des Isabelle Leclaire et Caroline Ouellette. La volonté de fer d’un entraîneur qui s’est jeté à l’eau sans hésiter pour sauver l’équipe qu’il chérit tant. Le travail de politiciens (du gouvernement et de l’opposition) qui ont usé de leur poids pour faire pression aux bons endroits et s’assurer de garder ouvert l’esprit de ceux qui avaient besoin de comprendre. Et l’impact des grands médias qui ont compris l’importance du moment et qui ont su l’exposer à la population. Chacun à sa manière aura eu son impact.

Leçon #2 : Gardons et écoutons nos leaders

Megan Miron, la #87 des Patriotes, est une leader fantastique. Elle a su agir comme une capitaine de son bateau qui prenait l’eau. Cette jeune femme n’a pas attendu et a alerté le député Enrico Ciccone après l’annonce de la fin du programme. Elle n’a pas cherché à tout faire seule. Elle s’est entourée de ceux qui pouvaient l’aider. Elle a rassemblé ses coéquipières. Elle a cherché des solutions à la hauteur de ses capacités. La suite des événements lui aura donné raison et lors de la conférence devant son cégep, tout le monde a souligné son initiative.

Mégan Miron a pris la parole pour souligner l’importance du programme de hockey féminin des Patriotes

La défenseure m’a confié qu’elle espérait jouer au niveau universitaire. Sa priorité absolue est de le faire au Québec. Mais elle est prête à envisager de quitter la Belle province pour vivre sa passion si aucune des équipes d’ici n’a de place pour elle. Et elle veut continuer de s’impliquer dans le hockey, comme entraîneuse notamment. Celle qui complète actuellement une technique en architecture et qui souhaite devenir ingénieure est et sera un atout pour notre société.

Quand on n’a pas assez de place chez nous pour garder nos meilleur-e-s étudiant-e-s-athlètes, c’est ce type de personne qu’on risque de perdre. Pas seulement le temps de leurs études, mais plus souvent qu’on pense, pour une bonne partie de leur carrière professionnelle.

Est-ce que notre société, notre équipe, veut vraiment la laisser aller?

Quand on écoute Caroline Ouellette et Isabelle Leclaire nous dire avec force et fierté l’importance qu’a eu leur passage au sein des Patriotes sur le reste de leur cheminement. Quand on apprend à connaître Stéphanie Daneau, une autre ancienne des Patriotes, sans qui le parcours académique aurait pu prendre fin trop vite, mais qui a aujourd’hui un doctorat en sciences infirmières. On ne peut qu’être inspiré.

Je terminerai ce chapitre du cours avec une courte anecdote. Avant de quitter les lieux du point de presse pour retourner chez moi, je me suis arrêté prêt d’un petit groupe qui discutait pour les saluer. Isabelle Leclaire expliquait alors à la directrice des services aux étudiants Danielle Malkassoff l’importance d’encadrer et de soutenir les jeunes entraîneuses. Leclaire, entraîneuse-chef des Carabins de l’Université de Montréal, forme la relève et son expérience lui a appris que la formation ne s’arrête pas après le cours, elle se poursuit dans son application. Caroline Ouellette, Olympienne et entraîneuse associée des Stingers de Concordia, championnes canadiennes universitaires, était du groupe et elle approuvait en hochant de la tête tout en gardant son regard perçant sur la directrice.

Leçon #3 : Dénoncer et questionner ce qui nous semble injuste

Le cas des Patriotes aurait-il résonné si fort si le coordonnateur des sports Hugo Lamoureux n’avait pas brandi son désir de trouver un entraîneur masculin pour remplacer celle qui a été congédiée? Pas certain, pas certain du tout. Est-ce que la cascade aurait été aussi rapide si il n’y avait pas eu quatre coachs en quatre saisons derrière le banc de cette équipe? Est-ce qu’on peut questionner l’encadrement général dans un tel contexte et se demander si les jeunes femmes n’ont pas été victimes d’une certaine incompétence?

Caroline Ouellette, Isabelle Leclaire et la députée Marwah Rizqy ont tour à tour souligné leur indignation devant l’inéquité apparente du traitement fait au programme féminin. Non seulement, il y a eu la « maladresse » de Lamoureux, mais il fallait également souligner que le cégep venait d’investir pour intégrer une deuxième formation masculine à son programme de hockey, mais était prêt à abandonner son programme féminin.

St-Laurent n’est pas seul dans ce bateau. Que dire du cégep André-Laurendeau qui, pour faire de la place à sa deuxième équipe masculine, a envoyé son équipe féminine s’installer dans un aréna plus loin, dans un quartier voisin? Oui, la mesure se voulait temporaire, mais c’est légitime de se demander pourquoi c’est l’équipe féminine qui a dû vivre les inconvénients temporaires plutôt que la nouvelle équipe D2.

La députée de St-Laurent Marwah Rizqy, Isabelle Leclaire et Caroline Ouellette qui arborait son vieux chandail des Pats pour l’occasion

Je n’ai moi-même toujours pas obtenu toutes les réponses à mes questions concernant certaines décisions de régie interne. Je ne les obtiendrai probablement jamais. Mais elles sont soulevées et l’absence de réponse me démontre que je n’étais probablement pas à côté de mes pompes.

À la fin, il faut accepter de ne pas savoir. L’important est que le hockey féminin demeure à St-Laurent.

Leçon #4 : Il faut mieux organiser le hockey féminin

Je n’ai pas les connaissances, ni les compétences pour proposer des solutions à cet égard. Ceci dit, le rapport du Comité sur l’avenir du hockey a recommandé de porter une attention particulière au volet féminin. La fin d’un programme comme celui des Patriotes doit ramener à l’avant-plan qu’en quelques années, les cégeps Lionel-Groulx, St-Jérôme et Laflèche ont dû mettre la hache dans leur programme de hockey féminin.

Un bassin de 6000 à 7000 joueuses au Québec est nettement insuffisant. C’est clair pour tout le monde et ça continuera de rendre la tâche extrêmement difficile aux organisations existantes si on ne fait rien.

À cela j’ajouterais toutefois que je me demande pourquoi les cégeps semblent si réticents à passer de la Division 1 à la Division 2. Le prestige rattaché à la division est-il plus important que l’offre de services en soit? Évoluer dans une catégorie qui correspond à son niveau est non seulement plus agréable pour tout le monde, mais ça attirera plus d’étudiants-athlètes et ça participe encore mieux à leur développement.

Leçon #5 : Le financement

Le sport est sous financé au Québec. Enrico Ciccone me partageait à quel point il serait important pour lui de créer un vrai ministère du Sport au Québec. Sa conviction est qu’il faut cesser de voir le sport comme un passe-temps, mais comme un vecteur important de la qualité de vie d’une population. Il prenait avec justesse l’exemple des deux dernières années de pandémie pour souligner à quel point on a constaté l’importance du sport dans la vie des gens.

Enrico Ciccone, député de Marquette et porte-parole de l’opposition en maitère de sport

Le budget actuel pour le sport au Québec est de 168 millions$. En comparaison, celui de la culture frôle le milliard de dollars. Ciccone n’est pas fou et sait très bien que le rattrapage ne peut pas se faire en un an. Mais il tient absolument à mettre de l’avant l’urgence d’y voir.

Le financement, ce n’est pas seulement de saupoudrer des sous ici et là, c’est aussi de prévoir les bons programmes où investir. Il y a bien sûr les infrastructures trop souvent désuètes. Mais il y a aussi la professionnalisation du métier d’entraîneur. Un sujet prioritaire discuté lors de la Rencontre sur le développement du sport au Québec à l’automne 2021. Est-il normal qu’un entraîneur d’une équipe sportive collégiale D1 reçoive moins de 10 000$ par année? Personnellement, je pense que non. Pas à ce niveau, pas avec les responsabilités qui viennent avec le poste.

Leçon #6 : L’humilité dans le travail d’équipe

Pour cette dernière leçon, il est requis d’avoir maîtrisé la première. Je vous invite à la réviser si nécessaire.

Non seulement faut-il savoir utiliser les forces de tous et chacun, mais il faut aussi savoir rendre à César ce qui lui appartient. Le travail d’équipe entraîne beaucoup plus souvent de meilleurs résultats que le travail individuel. Et la leçon que j’en tire personnellement est aussi qu’il faut éviter à tout prix de chercher à obtenir le crédit pour un résultat collectif.

Voir sur les réseaux sociaux et entendre des représentants de la CAQ et du parti Libéral tenter de s’approprier le succès m’a dérangé. Je sais que le cabinet de la ministre a travaillé en coulisses pour tirer des ficelles. Je sais aussi que les députés St-Pierre et Ciccone ont fait les appels nécessaires. Je suis très conscient de la joute politique. Qui a tendu la main à qui pour travailler de concert? Je ne sais plus. Qui a pesé sur LE bouton qui a déclenché les bonnes actions? Je ne sais pas. Ils auraient juste pu le faire ensemble pour le bien commun.

Et je vais faire mon mea culpa. J’ai voulu obtenir un certain crédit pour avoir écrit le tout premier article sur le sujet. J’ai été déçu, voire même en ta… à certains moments quand j’ai constaté que mon travail et mes efforts n’ont pas été soulignés de la façon dont j’aurais aimé par les grands médias.

Mais à bien y penser, quel crédit me devait-on? Si la maman d’une joueuse n’avait pas réagi à une photo sur Twitter en mentionnant la fermeture annoncée du programme, je n’aurais probablement pas été le premier à écrire un texte. Si j’ai mis tant d’effort pour dénicher des gens à qui parler et à poser des questions, c’était parce que je croyais fermement que les raisons invoquées étaient nébuleuses et causaient un tort inutile à des étudiantes-athlètes. C’était ça le message. C’était ça ma part au travail d’équipe.

Quand tout le monde était rassemblé devant le cégep St-Laurent en ce beau mercredi après-midi ensoleillé du mois de mai. De tous les bords du micro, incluant les étudiants du cégep et les représentants de l’association étudiante, nous n’étions pas là pour obtenir de nouvelles informations, mais pour nous rassembler afin de savourer ce qui ressemble à une victoire… Et s’assurer que tout le monde allait en tirer des leçons.

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