Parce que les ligues sportives professionnelles féminines sont rares en Amérique du nord, le sport universitaire est souvent le plus haut niveau auquel on peut voir évoluer nos meilleures athlètes. Les encourager en allant voir les matchs ou en les suivant via les diverses plateformes n’est pas un acte de charité, c’est une opportunité de voir à l’oeuvre des athlètes de haut niveau qui nous font vivre des moments de fortes émotions.
Il y a bien sûr les équipes nationales et les compétitions comme les Jeux olympiques, mais leurs prestations devant le public d’ici sont très sporadiques. Bref, si on veut montrer un modèle à nos jeunes filles, c’est le sport universitaire et collégial qui offre souvent ce qu’il y a de mieux. Alors parlons-en. Chaque fois qu’une olympiade prend fin, on entend le discours récurrent qui veut qu’on devrait faire plus de place au sport amateur et au sport féminin. Mais qui le fait? Qui prend acte de l’intérêt bien réel qui existe dans la population pour ces performances?
Rappel à tous, l’événement le plus regardé des derniers J.O. a été la finale en hockey féminin alors que 2,7 millions de téléspectateurs l’ont visionnée sur les chaînes anglophones canadiennes. Le sport féminin intéresse les gens. Le sport universitaire aussi comme en fait foi l’auditoire pour les matchs de football l’automne dernier. Il faut en parler.
Est-ce que nos décideurs des médias sportifs ont absolument besoin que le sport soit fait professionnellement pour en parler? Si c’est le cas, ça prend des investisseurs pour mettre sur pied les ligues de hockey, de soccer et de basket féminin, au même titre qu’il existe des ligues professionnelles masculines canadiennes pour ces sports.
Ça ne se fera pas du jour au lendemain. Tout comme la Première ligue canadienne (CPL), au soccer masculin et la Ligue élite canadienne de basketball (CEBL), ce n’est pas simple de lancer des ligues professionnelles. Et surtout de les faire vivre parallèlement aux grandes ligues nord-américaines et européennes qui attirent tous les regards et les grands commanditaires. Pourtant, on tente notre chance quand même du côté masculin. Pourquoi pas chez les femmes?
Je suis mal placé pour expliquer les tenants et aboutissants des risques financiers que je n’aurai probablement jamais les moyens de prendre pour se lancer dans de telles aventures. Toutefois, je suis convaincu que l’industrie sportive canadienne et québécoise passe par une fondation très solide du sport universitaire. Ce sont les universités canadiennes qui développent les athlètes dans un moment charnière de leur carrière. Ce sont les universités canadiennes qui fournissent en joueurs les ligues comme la CPL et la CEBL.
Les meilleures athlètes universitaires canadiennes et québécoises méritent elles aussi d’avoir des débouchés ici. En attendant que ça arrive, aidons-les à rendre encore plus forte la fondation du sport canadien et québécois. Mettons la lumière sur les athlètes universitaires.
Chaque semaine, je vois à l’oeuvre et je suis les performances d’athlètes comme Jessy Lacourse, Catherine Beauchemin, Audrey Leduc et Maude Léveillé en athlétisme; Amaiquen Siciliano, Fredlyne Verrier, Myriam Leclerc, Kim Letang et Iman Ibrahim en basketball; Jade Downie-Landry, Marika Labrecque, Rosalie Bégin-Cyr, Mahika Sarrazin, Audrey-Anne Veillette, Maude Pépin, Jessica Bélanger en hockey; Daphné Danyluk, Elizabeth Ling, Anais Arlandis et Axelle Cara en natation; Mégane Sauvé, Arielle Roy-Petitclerc, Karima Lemire, Marilou Dugrenier, Meïla Guipro-Lebel en soccer; Sabrina Mayer, Gabrielle Archambault, Emma Bergeron, Maude Fréchette, Béatrice Lamarche, Olympe Desmedt, Victoria Iannotti, Charlène Robitaille, Alissa Veilleux en volley. Et je pourrais continuer longtemps en ajoutant les joueuses de rugby, de flag-football, de golf en plus de toutes celles qui évoluent au niveau collégial.
Et je ne parle même pas des entraîneures. Des Caroline Ouellette, Julie Chu, Isabelle Leclaire, Alyssa Cecere, Tenicha Gittens, Rachèle Béliveau, Annie Lévesque et Annie Martin. Des femmes avec un pedigree plus qu’impressionnant qui encadrent nos meilleures athlètes tout en s’assurant qu’elles auront un diplôme et deviendront des leaders de notre communauté.
Ce n’est pas que du simple name dropping ici, ce sont des étudiantes-athlètes et des entraîneures que j’ai vu compétitionner. Je leur ai parlé pour la plupart. Elles sont excellentes parce qu’elles sont passionnées, dédiées à leur sport, à leur équipe. Je les ai vues réussir de grands coups et rater des opportunités en or. Je les ai vues gagner et perdre.
Les matchs qu’elles jouent sont parfois ordinaires, évidemment. Est-ce que tous les matchs de sport masculin sont forts en émotions et en exploits? Certainement pas. Mais je me suis toujours donné la chance d’embarquer dans le rythme des buts et des points. J’ai poussé dans ma tête pour qu’une telle réussisse tel exploit et que telle autre profite de son opportunité pour faire sa place. J’ai été déçu pour les blessées et je me suis exclamé en étant témoin de jeux spectaculaires. Pour y arriver, il faut connaître leurs histoires, il faut en parler.
Et je vais continuer encore longtemps de les suivre. Parce que le sport, masculin ou féminin, est une affaire de dépassement de soi, de performance et d’émotion. J’ai vécu des émotions aussi fortes en regardant évoluer des hommes que des femmes.
Maintenant, si on veut que les bottines suivent les babines, il va falloir que nos médias sportifs fassent leur part. On ne peut pas se contenter de parler de sport féminin qu’aux Jeux olympiques, lorsque des scandales sexuels éclatent ou qu’une ligue féminine professionnelle va peut-être prendre forme. Je répète ma conviction que la fondation du sport chez nous est notre sport universitaire. C’est encore plus vrai chez les femmes pour qui c’est souvent le plus haut niveau de sport organisé.
Si vous ne connaissez aucun des noms cités plus haut dans ce texte, c’est que notre culture sportive manque de tonus. C’est en partie la faute de nos médias qui refusent de s’aventurer hors des sentiers battus. Bien sûr, ce sont des entreprises qui doivent rentabiliser leurs investissements. Mais, ils peuvent faire mieux.
Les Américains connaissent les meilleures athlètes de la NCAA. J’aimerais que ceux qui militent pour plus de sport féminin sachent que Jade Downie-Landry des Martlets est en train de vivre ses dernières semaines dans le hockey et qu’elle serait un haut choix au repêchage si une ligue professionnelle de hockey existait. J’aimerais qu’on souligne la fin de carrière de Gabrielle Archambault de l’UQAM. Elle jouera les derniers matchs de volleyball de sa carrière universitaire en fin de semaine en tentant d’arracher une médaille de bronze face à Laval. Puis, elle attendra une opportunité dans une ligue professionnelle en Europe. J’aimerais qu’on profite davantage du jeu qu’offre Amaiquen Siciliano, la garde de Bishop’s originaire d’Argentine qui domine le basket universitaire depuis son arrivée ici.
Parce qu’elles aussi, elles en mettent plein la vue.
Crédits photos
- Amaiquen Siciliano – Gaiters de Bishop’s / Emery Gbodossou
- Jessy Lacourse – Rouge et Or de Laval / Louis Charland
- Jade Downie-Landry – Martlets de McGill / Derek Drummond
- Rosalie Bégin-Cyr – Stingers de Concordia / Ryan Thicke
- Anaïs Arlandis – Carabins de Montréal / James Hajjar
- Laura Guay – Rouge et Or de Laval / Yan Doublet
- Karima Lemire – Citadins de l’UQAM / Courtoisie
- Emma Bergeron – Vert & Or de Sherbrooke / Yves Longpré