Crédit photo : James Hajjar
Mégane Sauvé a joué plus de 40 de matchs aux niveaux collégial et universitaire avant de connaître une première défaite. Elle vient de terminer au premier rang des marqueuses du circuit universitaire québécois. Elle est surtout une jeune femme très appréciée par ceux qui la côtoient. Portrait d’une future enseignante humble et engagée qui veut faire avancer le soccer féminin.
Comme bien des joueuses de soccer, Mégane, native de Saint-Hyacinthe, a commencé dès l’âge de 4 ans à jouer. Durant toute son enfance dans sa région, son évolution a été constante jusqu’à tenter sa chance aux sélections régionales à l’âge de 13 ans et au camp d’Équipe Québec, à 14 ans. Un camp dont elle a elle-même décidé de se retirer. « Trop de stress », dit-elle. C’est qu’à l’époque, elle jouait aussi au hockey à un niveau élite. En fait, tout au long de son secondaire, Mégane évoluait dans les deux sports, ayant même représenté sa région aux Jeux du Québec en hockey.
Parce que sa priorité était l’école et qu’elle jonglait avec deux sports, Mégane n’est pas passée par le Centre National Haute Performance où plusieurs des meilleures joueuses du Québec sont détectées pour passer au prochain niveau. De secondaire 1 à 4, la jeune sportive suivait le programme d’études internationales à l’école Saint-Joseph. Puis en secondaire 5, elle a été inscrite en sports-études soccer à l’école Fadette de Saint-Hyacinthe.
Est ensuite venu le passage au niveau collégial. C’est à ce moment que Mégane a fait le choix de délaisser le hockey pour ne se consacrer qu’au soccer. « Je devais choisir. J’avais commencé plus tard à jouer au hockey, au niveau pee-wee et mon potentiel était meilleur au soccer. C’est comme ça que j’ai pris ma décision », se remémore-t-elle.
Contrairement à d’autres qui étaient déjà bien connues, Mégane n’a pas été recrutée par les équipes collégiales. « Je voulais jouer en D1 et comme il n’y en a pas dans ma région, je savais que j’allais devoir quitter. J’ai donc approché différentes équipes. J’ai eu des contacts avec Ahuntsic, mais Garneau était l’option la plus intéressante. Ils m’ont invitée à faire un essai et l’entraîneur David Desloges avait été clair, si je jouais bien j’allais avoir une vraie chance de faire ma place. » Et c’est ce qui est arrivé.
« Après 45 minutes sur le terrain, notre idée était faite », nous raconte Desloges, aujourd’hui entraîneur-chef de l’équipe féminine du Rouge et Or. « Je me souviens que je parlais avec son père après l’entraînement. Elle était à côté de nous, débinée parce qu’elle trouvait qu’elle avait mal pratiqué. Ça donne une idée du genre de personne elle est. Très engagée dans ce qu’elle fait, toujours à 200%. »

Il faut savoir que le programme des Élans de Garneau est possiblement le plus puissant au Canada. Entre 2000 et 2018, les Élans ont obtenu 15 podiums au championnat canadien dont 10 titres. Il fallait donc que Mégane ait plus que de la bonne volonté pour se démarquer. David Desloges garde d’excellents souvenirs de celle qu’il a dirigée lors de ses deux saisons collégiales : « Je ne retiens que du positif de Mégane. C’est une fille qui, sans contredit, prêche beaucoup par l’exemple. Elle travaille sans arrêt. Mais elle est aussi capable de prendre la parole. Elle s’est d’ailleurs intégrée très rapidement au groupe, même si elle ne connaissait personne à son arrivée. »
Les années de Mégane à Garneau ont été fastes. Une fiche immaculée, deux championnats provinciaux, deux championnats nationaux et une place parmi l’équipe d’étoiles du RSEQ en 2016. Tout ça en apprenant à vivre en appartement (avec sa coéquipière, Florence Duval qui venait de Beauce) et en complétant son DEC en science humaine en deux ans. « J’en avais parlé à mes parents et je ne voyais pas l’intérêt d’étirer la sauce et de demeurer trois ans au cégep. Les études étaient la priorité. »
Mégane Sauvé n’était pas seulement une joueuse parmi les autres, elle savait élever son jeu dans les moments clés. Comme cette fois en 2016 où elle a inscrit le but gagnant en demi-finale face aux Cavaliers de Champlain St-Lambert. Ce but allait propulser son équipe vers la finale, remportée 2-0 face aux rivales voisines, les Dynamiques de Sainte-Foy. Et ça n’allait certainement pas être son dernier moment de gloire.
En parallèle de sa carrière collégiale, Mégane évoluait l’été avec un club civil. Avant son entrée au cégep, en 2015, elle a joué sa dernière saison à Saint-Hyacinthe, puis entre ses deux années au cégep Garneau, elle a commencé à évoluer pour le club de Lakeshore situé à Kirkland, dans l’ouest de Montréal. Pour quiconque connaît un peu sa géographie, on imagine très bien les kilomètres s’engranger rapidement au compteur.

« Avec Garneau, c’était vraiment simple. David me permettait même de jouer mes matchs en semaine lorsque la saison collégiale débutait pour terminer ma saison et mes engagements. Je faisais donc des allers-retours les mercredis pour aller jouer mes matchs et je revenais le jeudi à Québec pour mes cours. C’était un peu de la folie. Je revenais à St-Hyacinthe et de là j’embarquais avec mes parents. J’étudiais dans l’auto pendant qu’on était dans le trafic. Mais c’était quand même sacrificiel pour eux, car un match le mercredi à 19h voulait dire qu’ils devaient terminer de travailler plus tôt pour m’amener. Tout le monde a mis la main à la pâte. »
Après l’obtention de son diplôme collégial, Mégane voulait étudier en enseignement. Ce choix l’a forcée à demeurer au Québec plutôt que de s’exiler dans la NCAA. « Pour enseigner au Québec, il faut avoir fait son baccalauréat ici. Et puis, dans la NCAA, le calibre de jeu varie beaucoup d’une conférence à l’autre. Ce n’est pas nécessairement mieux. »
Bien qu’elle ait considéré aller jouer avec le Rouge et Or puisque plusieurs de ses coéquipières de Garneau y allaient, elle a choisi les grandes rivales, les Carabins. Fait à noter, depuis 2007 le titre provincial n’a appartenu qu’aux Carabins et au Rouge et Or, à l’exception de 2012 où le Vert et Or de Sherbrooke a été sacrée champion. « À l’Université de Montréal, j’ai retrouvé l’esprit d’ouverture de Garneau. L’entraîneur Kevin McConnell m’a fait sentir que j’allais avoir une chance de jouer dès le départ si je prouvais que je le méritais. Et je savais que je pouvais. »

En 2017, les Carabins ont terminé la saison avec une fiche de 10 victoires, aucune défaite et 4 verdicts nuls. Cependant, cette superbe fiche leur donnait le 2e rang derrière Laval, qui avait cumulé 12 victoires, aucune défaite et deux matchs nuls. Il était donc tout naturel que ces deux équipes se retrouvent en grande finale provinciale. Et c’était tout aussi naturel que le match se termine en prolongation. La victoire est finalement venue du pied de Joëlle Mercier du Rouge et Or. Il s’agissait alors de la toute première défaite que subissait Mégane dans son parcours post-secondaire. Mais sa saison n’allait pas se terminer là.
La 2e place au RSEQ permettait alors aux Carabins de se qualifier pour le tournoi national. Après avoir connu une première saison universitaire couronnée d’une place au sein de la deuxième équipe d’étoiles, grâce notamment à une fiche de 4 buts et 3 aides, Mégane se préparait à vivre des moments exaltants.
Lors du premier match, les Carabins se mesuraient aux Gryphons de Guelph. Et malgré toute la pression mise sur leurs opposantes pendant le match, les filles de l’entraîneur Kevin McConnell n’avaient pas réussi à marquer. Le match est allé en prolongation et c’est à la 120e et dernière minute de jeu que Mégane a orchestré une magnifique action qu’elle a elle-même complété en marquant le but victorieux. Les Carabins n’allaient plus regarder derrière et quelques jours plus tard, elles ont mis la main sur le premier titre national de leur histoire après s’être inclinées en finale à trois reprises dans le passé.

Elle se rappelle avec émotion : « C’était un moment extraordinaire! Je pense que c’est à ce moment-là que j’ai réalisé l’ampleur de ce que je pouvais accomplir dans ma carrière. Je pense aussi que c’est pour ces moments-là qu’on se donne autant dans le sport, pour des moments d’aussi haute intensité. »
Son entraîneur avec les Carabins se rappelle très bien de ce moment. « Ce but démontre tellement bien tout ce que Mégane peut accomplir sur un terrain. Les images qui circulent ne montrent pas tout ce qu’elle a fait sur le jeu. C’est elle qui a d’abord récupéré le ballon de la tête avant de se lancer vers l’avant, couper à travers la défense et marquer. C’est certain qu’un but comme ça au championnat canadien lui a donné beaucoup de confiance. »
Coach McConnell a toutefois une perception différente du moment qui a servi de déclic à Mégane. « Je me souviens d’un match au début de la saison contre Laval. Mégane affrontait plusieurs de ses anciennes coéquipières et elle est venue voir les entraîneurs à la mi-temps. Elle trouvait que les choses n’allaient pas. On lui a simplement dit de croire en elle comme nous, nous croyions en elle. La façon dont elle a réagi par la suite nous a bien montré ce qu’elle pouvait accomplir. »

Kevin McConnell ne tarit pas d’éloges à l’égard de sa joueuse. « Nous l’avions vue jouer à Garneau et elle nous impressionnait. Mais ce n’est pas long pour des entraîneurs de voir si une joueuse a le talent qu’il faut. C’est quand on rencontre la personne qu’on sait si on va l’apprécier. Mégane est vraiment agréable à voir jouer, mais elle est encore plus agréable à côtoyer. Nous sommes chanceux de l’avoir avec nous. »
Les saisons suivantes ont continué de démontrer tout le potentiel de Mégane. « Elle n’a pas terminé son évolution. Elle a appris à croire en ses capacités et bien qu’elle ait été déterminante dans nos succès depuis ses débuts, elle continue de s’améliorer. Elle a une volonté et une détermination très élevées », nous vante son entraîneur. Des propos entérinés par son entraîneur à Garneau, David Desloges : « Mégane est un catalyseur sur le terrain. On la voit jouer maintenant au niveau universitaire et elle a pris un autre step. »
Au cours des deux dernières saisons, Mégane a obtenu sa place au sein de la première équipe d’étoiles des circuits universitaires québécois et canadiens. Elle a certainement été un facteur important des deux conquêtes des titres provinciaux de son équipe. Elle a particulièrement brillé en 2019 en terminant la saison au sommet des marqueuses du circuit avec 10 buts. La #6 explique ainsi ses succès offensifs : « Les premières années, l’équipe misait sur d’excellentes joueuses offensives. Elles ont quitté et l’entraîneur m’a donné plus de responsabilités sur cet aspect-là. Je retire beaucoup de fierté de pouvoir occuper différents rôles sur un terrain. »

Avant la saison 2019, un autre événement marquant a occupé le mois de juillet de Mégane, la participation aux Universiades à Naples, en Italie. « Une super expérience. Le niveau était très élevé et j’ai beaucoup appris là-bas. » L’équipe canadienne a terminé au 8e rang et Mégane a su tirer son épingle du jeu. « Les Asiatiques et les Italiennes étaient particulièrement impressionnantes. » En effet, l’équipe canadienne a notamment trouvé sur sa route la Corée du Nord et le Japon, les deux équipes qui allaient éventuellement se disputer la grande finale.

Maintenant que tout est actuellement arrêté, Mégane continue de se garder en forme en suivant minutieusement les programmes d’entraînement préparés par l’équipe et en participant aux vidéoconférences. « L’idée est d’être prête physiquement pour pouvoir se concentrer uniquement sur le volet soccer à notre retour. »
Entre ses saisons avec les Carabins, Mégane continue de jouer au niveau civil. Après deux saisons à Lakeshore, elle a fait ses débuts en 2018 dans la PLSQ, une ligue semi-professionnelle, au sein de l’A.S. Blainville. Elle a d’ailleurs remporté le ballon d’argent à sa première saison avec l’équipe et remporté le championnat en 2020. En plus de jouer avec l’équipe senior, Mégane s’implique auprès des jeunes filles de l’organisation. « Je fais du coaching à l’A.S. Blainville avec des jeunes filles. Le club permet à ses joueuses PL de s’impliquer encore plus et je vais essayer d’aller le plus loin que je peux dans ça. Mélanger la passion du soccer et la pédagogie c’est superbe! »

Après un an en psychologie, Mégane s’est inscrite au baccalauréat en enseignement du français au secondaire. Son désir de partager ses connaissances est donc bien présent en plus de sa volonté de participer au développement du soccer féminin. D’ailleurs, elle accompagne les groupes de filles qui vont aller aux sélections régionales. « C’est cool de les voir vivre un stress que j’ai déjà vécu », nous dit-elle .Son entraîneur avec les Carabins est convaincu qu’elle a d’ailleurs tous les atouts pour devenir entraîneure un jour et qui sait, peut-être même prendre sa place.
Conjuguer toutes ces activités peut devenir difficile. « Ça fait beaucoup de soccer, c’est certain. En plus des études, jouer civil et scolaire ça prend du temps. J’aimerais que les instances s’organisent différemment. Il y a assurément moyen de permettre aux joueuses d’avoir une pause entre les deux saisons. Je pense qu’elles pourraient se mettre d’accord, mais tout le monde tire la couverture de son bord. C’est plate parce qu’à la fin, c’est le même bassin de joueuses », clame celle qui se dirait incapable de trancher si elle devait choisir entre son équipe universitaire et son équipe civile.
Bien qu’elle tienne absolument à terminer son parcours académique, Mégane garde les yeux sur l’éventualité d’une carrière professionnelle. « J’ai déjà eu quelques contacts avec des agents en Europe. C’est assurément une option que je vais envisager. »
L’entraîneur McConnell pense qu’elle a ce qu’il faut pour y arriver. « Je n’ai aucun doute qu’elle peut y arriver. Elle continue de s’améliorer et elle a une volonté et une détermination extraordinaires. Mais par-dessus tout, ce dont je suis le plus fier est qu’elle priorise de terminer ses études avant », nous dit-il rappelant qu’il a avant tout à coeur le succès des étudiantes.