Déjà une joueuse étoile à sa première saison dans le circuit universitaire québécois, Karima Lemire a un talent supérieur. De Longueuil à l’UQAM en passant par la Coupe du monde, cette joueuse de soccer a connu le succès partout où elle est passée.

Karima Lemire a commencé à jouer au soccer sur la rive-sud de Montréal à l’âge de 4 ans. Elle a bien essayé la natation et le karaté, mais le soccer a pas mal toujours été le seul sport dans sa vie. Fille unique et élevée par sa mère seule, elle n’a pas vraiment connu son père.

Déjà très jeune, le soccer a pris une grande place. Dès la 3e année du primaire, Karima était inscrite à un programme sports-études au Collège français de Longueuil. C’est également là qu’elle a poursuivi ses études secondaires. Ce programme étant rattaché au Centre National Haute Performance (CNHP), partenaire de l’Association canadienne de soccer, Karima s’entraînait 5 jours par semaine à Laval avec les meilleurs entraîneurs et joueuses au Québec.

Le CNHP étant essentiellement une structure d’entraînement pour l’élite du soccer, Karima jouait ses matchs durant l’été avec le club de soccer de Varennes dirigé par Alexandre Da Rocha. Elle n’avait que 12 ans lorsque Da Rocha a eu vent du talent de celle qui évoluait sur les terrains de la ville de Longueuil. « J’étais directeur technique pour le club AS Varennes et un des coachs m’a parlé de Karima et d’une autre joueuse. Je suis allé les voir jouer et Karima, qui évoluait avec des joueuses un an plus vieilles qu’elle, dominait déjà avec la force de sa frappe et son intelligence du jeu avancée. »

N’ayant pas d’équipes au niveau AAA à Longueuil, Karima s’est donc jointe au club de Varennes avec qui elle a joué jusqu’à ses 19 ans. Elle jouait donc avec Varennes l’été et s’entraînait avec la CNHP grâce au programme sports-études à l’école.

Durant ses années à s’entraîner avec le CNHP, Karima a été mise en contact avec le plus haut niveau. Elle a donc pu faire partie de l’équipe du Québec et même de l’équipe du Canada. Ce fut pour elle l’occasion de vivre une expérience fantastique, celle de la Coupe du monde U17. « En 2013, j’ai participé aux qualifications de l’équipe canadienne pour la Coupe du monde. Le tournoi se disputait en Jamaïque et j’ai été partante pour tous les matchs. » L’équipe canadienne s’était alors inclinée en tirs de barrage face au Mexique lors de la grande finale, mais le billet pour le Costa Rica était dans la poche.

L’expérience extraordinaire d’une Coupe du monde s’est déroulée l’année suivante. Au sein du Groupe B qui comptait le Ghana, la Corée du Nord et l’Allemagne, le Canada s’est bien tiré d’affaire avec une victoire et deux nulles. La fiche était assez bonne pour passer en quarts-de-finale. L’équipe a toutefois dû s’avouer vaincue face au Venezuela. « Cette expérience a été magnifique. Malheureusement, j’ai subi une blessure avant le tournoi et la joueuse qui a pris ma place a suffisamment bien fait pour prendre ma place de partante. Donc, je n’ai pas joué, mais ça reste un de mes meilleurs moments », nous raconte celle qui n’avait que 15 ans à l’époque.

Karima poursuit à propos de son expérience avec l’équipe nationale : « Par la suite, je n’ai jamais été rappelée pour faire l’équipe. Je ne saurais dire pourquoi. Le système est difficile à percer. Je ne sais pas comment les choix sont faits. Je connais des filles qui ont établi des records dans la NCAA ou qui jouent en Europe et qui ne reçoivent pas d’appel. Est-ce que j’aimerais revivre cette expérience un jour? Bien sûr, mais je pense que mes chances sont proches de zéro alors je n’y pense pas vraiment. »

Après la fin de ses études secondaires, Karima devait choisir son chemin pour la suite. Si la NCAA a fait partie des réflexions, Karima a choisi d’écarter cette option. « Au CNHP, on se fait parler de la NCAA. J’ai aussi parlé à plusieurs filles qui sont passées par là et leurs histoires m’ont convaincue que ce n’était pas ce que je voulais. Ça aurait certainement été une belle expérience, mais je pense que j’ai fait le bon choix en pensant à ce que j’allais faire plus tard. Les cours réussis aux États-Unis ne sont pas tous reconnus et crédités ici. Je ne me voyais pas revenir au Canada et recommencer. »

Elle ajoute concernant le niveau de jeu : « , Ce n’est pas nécessairement très élevé partout. Il y a des universités où le jeu correspond à du niveau AA ici. Alors, ce n’était pas toujours avantageux d’aller là-bas. » Bref, l’idée d’aller s’inscrire au Collège Champlain St-Lambert est pratiquement devenue une évidence. « C’est juste à côté de chez moi, les filles de Varennes y allaient toutes et l’entraîneur à Champlain m’avait coachée à Longueuil. »

Karima a passé trois années avec les Cavaliers. Durant ces trois saisons, l’équipe féminine de soccer a atteint des niveaux jamais égalés dans l’histoire du programme. Entre 2004 et 2015, l’équipe n’avait gagné qu’un seul match éliminatoire, une médaille de bronze en 2014. À l’arrivée de Karima, les Cavaliers ont gagné une médaille de bronze en 2016. Karima avait été choisie sur l’équipe d’étoiles du circuit collégial québécois.

Cette 3e position au RSEQ a été suivie de deux médailles d’argent en 2017 et 2018. À chaque fois, les Cavaliers s’étaient inclinées face à la grosse machine des Élans de Garneau, le meilleur programme au Canada. Lors de ces deux saisons, la présence en finale québécoise des Cavaliers a également été suivie d’une présence en finale canadienne. Et à chaque fois, les Élans se retrouvaient sur leur route. En 2017, Garneau a gagné la finale provinciale et la finale canadienne par la marque de 1-0.

En 2018, Karima et les Cavaliers ont décidé que les choses allaient se passer autrement. Il faut savoir qu’au moment de la finale canadienne, les Élans de Garneau n’ont pas perdu un match depuis 2014. Elles venaient de gagner les quatre derniers championnats canadiens. Cette fois par contre, sur le terrain du Douglas College, à Coquitlam en Colombie-Britannique, les Cavaliers ont mis un terme à la domination de leurs rivales en l’emportant 3-2.

Cette saison-là, Karima a été nommée joueuse par excellence au RSEQ en plus d’être sélectionnée sur l’équipe d’étoiles canadienne et l’équipe d’étoiles du championnat canadien.

Après cette épopée, Karima devait choisir sa prochaine destination. Souhaitant étudier en administration, Karima a opté pour les Citadins de l’UQAM. « Au moment de faire mon choix, j’ai pris en considération l’équipe d’entraîneurs. Alexandre Da Rocha que j’avais bien connu à Varennes était l’entraîneur-chef et j’avais une très bonne relation avec lui. L’équipe n’était peut-être pas la meilleure, mais le groupe d’entraîneurs, lui, était le meilleur. »

À sa première saison avec l’équipe uqamienne, Karima a pu profiter du retour au Québec d’une ancienne gloire du Rouge et Or de Laval, Mélissa Roy. Celle-ci revenait d’un séjour chez les pros en France. Également, cinq joueuses provenant de l’équipe nationale haïtienne se sont jointes à l’équipe. Toutefois, des problèmes divers ont fait en sorte qu’elles n’ont joué que la première moitié de la saison. Ensemble, les Citadins ont connu la meilleure saison de leur histoire, seulement leur deuxième saison victorieuse depuis 2004. Avec une fiche de 12-1-1 bonne pour le premier rang du circuit universitaire québécois, elles se sont toutefois inclinées 2-1 en grande finale face aux Carabins de l’Université de Montréal.

Selon les dires de son entraîneur-chef, Alexandre Da Rocha, Karima aurait dû obtenir le titre de recrue de l’année au Canada. « En jouant milieu de terrain, obtenir 5 buts et 8 passes à sa première saison alors qu’elle joue plus en 8 qu’en 10 avancé, ce sont des statistiques impressionnantes. » Elle a tout de même terminé avec une place sur l’équipe d’étoiles des recrues USports, le titre de recrue de l’année au Québec ainsi que la 1re équipe d’étoiles du RSEQ.

Karima en compagnie de ses coéquipières Mélissa Roy, Léa Pallacio-Tellier et Julia Liguori ainsi que l’entraîneur-chef Alex Da Rocha lors de la cérémonie de remise des prix USports en marge du championnat canadien 2019.

Comme pour tous les athlètes universitaires, la saison 2020 de Karima a été annulée. « Nous nous sommes préparées comme s’il allait y avoir une saison, mais tout a été arrêté. Par contre, on a toute une équipe de préparateurs physiques qui nous suivent. Ils nous ont fait des programmes d’entraînement et grâce à des ceintures cardiaques, ils sont capables de savoir si on travaille », nous explique Karima.

D’ici au retour des activités normales, Karima continue son baccalauréat en administration. Si elle dit avoir un penchant pour le marketing, elle ne sait pas encore vers quoi elle se dirigera exactement. « Une chose est certaine, je vais profiter de mes cinq années d’éligibilité au soccer universitaire. Après mon baccalauréat, je commencerai peut-être une maîtrise, on verra. »

Et côté soccer, est-ce qu’il y aura une suite au parcours universitaire? « Je vais continuer à jouer tant que je vais pouvoir. Je ne sais pas si j’irai essayer de jouer au niveau professionnel. Il est encore trop tôt pour le dire. Je verrai où j’en suis dans quatre ans. »

Le talent unique de Karima, sa vision du jeu et la qualité de ses passes sont ses principales forces. De son propre aveu toutefois, elle dit qu’elle doit apprendre à garder sa motivation élevée. À ce chapitre, on laissera parler son entraîneur. « Karima a la maturité pour bien s’évaluer. Elle sait qu’elle pourrait parfois en donner plus, mais quand tu as ce talent et que les résultats sont là, ça peut être difficile de se motiver à pousser tout le temps. Malgré ça et son jeune âge, Karima est certainement une leader dans notre équipe par ses performances. Et surtout, Karima est vraiment une bonne personne. »

En plus de ses grandes qualités humaines et sur les terrains, il semble qu’elle ne donne pas sa place sur les bancs d’école. Le 20 novembre prochain aura lieu la cérémonie des honneurs académiques pour les étudiants-athlètes de l’UQAM. Je me suis laissé dire que sa belle moyenne académique sera soulignée à ce moment-là.

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