Le basketball est extrêmement populaire. Le tournoi du March Madness aux États-Unis est devenu un incontournable pour les fans de sport presqu’au même titre que le Superbowl. Et depuis deux ans, c’est le volet féminin qui prend le haut du pavé. Les exploits de Caitlin Clark, Angel Reese, Paige Buetkers, Kamilla Cardoso, Juju Watkins et compagnie font couler beaucoup d’encre. Plusieurs Québécois font leur marque aussi dans la NCAA. On en est fier, mais qu’est-ce qu’on fait pour eux ici?

Selon le rapport annuel 2018-2019 du RSEQ, on dénombrait 21 514 inscriptions en basketball dans les écoles primaires et secondaires du Québec. En 2022-2023 c’était un total de 37 166 pour le même groupe d’âge. Une augmentation de près de 73%. C’est faramineux.

Et ce ne sont pas tous les athlètes en basketball qui évoluent au sein des équipes scolaires, collégiales et universitaires du RSEQ.

L’associatif (civil) et les prep schools ont une place importante dans la structure de développement. Notamment dans la grande région de Montréal où se trouve sans surprise le plus grand bassin de joueurs et joueuses. Cette coexistence fait en sorte que plusieurs des meilleurs athlètes québécois en basketball ne s’affrontent pour ainsi dire jamais.

Durant la saison 2023-2024, des programmes scolaires et civils de basketball québécois se sont mesurés à deux reprises lors d’événements conjoints. L’objectif était simple, rassembler les meilleurs programmes au sein d’une superligue. Cependant, il a fallu le faire en-dehors des cadres officiels de Basketball Québec.

L’envie de faire ce genre d’événement ne date pas d’hier, mais pour toutes sortes de raisons, ça n’arrivait jamais. Loïc Rwigema, responsable du programme de basket au Collège Durocher sur la rive-sud de Montréal, en avait glissé un mot à l’ancien directeur général de la fédération, Daniel Grimard. Selon Rwigema, Grimard lui a fait comprendre que c’était un projet sans grande chance de succès. Peu confiant, il l’a mis au défi d’essayer de rassembler des programmes scolaires et civils.

Loïc Rwigema, responsable du programme de basketball au Collège Durocher

Rwigema a placé sept appels. Parc-Extension, Lucien-Pagé, Saint-Laurent, Lasalle, Brookwood Elite, l’Académie Thetford et l’École Jean-de-Brébeuf (à Québec). Rapidement, sept réponses positives lui sont revenues. Il a alors pris l’initiative de recontacter la fédération pour leur faire part de son plan de superligue. C’était en avril 2023. Près de cinq mois plus tard, en août, Daniel Grimard, a finalement fait parvenir un document à M. Rwigema. Mais le temps qui s’était écoulé inutilement a empêché les différentes organisations de faire approuver les budgets et de prévoir la logistique nécessaire pour créer la ligue.

Et vous en voulez une bonne? Carl Comeau, maintenant directeur général de Basketball Québec depuis août dernier, n’a jamais entendu parler du projet. Grimard, qui a terminé son mandat après avoir assuré la transition, ne répondra possiblement jamais aux questions puisqu’il n’a plus de comptes à rendre.

Bien hâte de voir maintenant ce qui se passera avec ce dossier quand Rwigema et Comeau se seront parlés.

Carl Comeau est d’ailleurs très ouvert à discuter du développement de son sport avec quiconque. Il m’a confié être actuellement en train de travailler sur un plan stratégique de développement. Et ça, c’est très intéressant.

En entretien téléphonique, Comeau a été très clair : « On perd entre 40 et 50 jeunes de l’élite par année. On veut garder nos jeunes ici. Mais pour ça, Basketball Québec ne pourra pas tout faire. Il y en a qui doivent s’organiser dans le privé. Dynastie a essayé de le faire et on a appris cette semaine que l’Académie allait quitter St-Jean pour aller aux États-Unis faute de support. Le nerf de la guerre se situe au niveau du cégep qui doit améliorer son offre pour faire compétition aux Prep Schools. »

Carl Comeau, DG de Basketball Québec

Comeau le dit d’emblée : « Il faut aussi que le RSEQ laisse la fédération cadrer certaines choses. La formation des entraîneurs, par exemple. Si je veux m’impliquer pour le développement de l’élite, j’aimerais bien parler directement aux équipes D1. Sauf que je ne peux pas, il faut passer par le RSEQ. »

Cependant, avant de trouver un interlocuteur ou une interlocutrice au sein du RSEQ qui pourra aider à créer un plan de développement et l’implanter, ça pourrait être long. Ça ne semble pas facile de s’entendre sur comment prendre en charge le développement du basketball au sein même du RSEQ. Il avait pourtant été question de créer un secteur consacré au basket, comme celui qui existe au hockey. Ça n’arrivera pas tout de suite.

Le pdg du RSEQ Gustave Roël m’avait confié il y a quelques semaines que des comités se penchaient sur la question aux niveaux scolaire et collégial. Mais la structure actuelle au RSEQ ne facilite pas les choses. Si on a réussi sans trop de problème à créer le secteur Hockey, c’est que les équipes du RSEQ sont les équipes élites. Tandis qu’au basketball, tous les niveaux sont au RSEQ. Dans un tel contexte, tout ne se décide pas au palier provincial, ça descend alors dans les régions. Et donc, il y a plus d’intervenants qui ont leur mot à dire. On n’a qu’à soulever la question des transferts pour comprendre que les points de vue discordent rapidement et que les arguments vont en fonction du niveau des équipes. Bref, pour le moment, le secteur Basket demeure une idée, rien de plus.

Une chose est certaine, il faut trouver une façon de bien encadrer le développement des élèves et étudiants athlètes dans ce sport, dont la popularité grandit sans cesse. Il faut trouver une façon de garder nos jeunes ici. Il faut trouver des plateaux. Il faut former nos entraîneurs et de nouveaux arbitres. Il faut donner de la visibilité aux meilleurs avec des événements et du marketing. Parce qu’une fois qu’ils quittent, ils ne reviennent plus. C’est un problème qui dépasse largement le basketball, c’est une perte pour notre société.

Les départs dont je parle ne concernent pas seulement la super élite qui va jouer dans la NCAA D1, qu’on peut voir au tournoi du March Madness et qui jouent avec le programme national. Non, le Canada n’a pas le niveau dont ils ont besoin à leur offrir. Je parle des jeunes qui après le secondaire font le choix des Prep Schools et de l’Ontario. Ce n’est pas toujours mieux qu’ici, mais ces programmes savent se vendre.

À noter qu’au basket collégial masculin D1 la saison prochaine, le calendrier passera de 22 à 16 matchs. On formera deux groupes, un peu comme on l’a fait chez les filles. Réduire le nombre de matchs peut sembler contre-intuitif. Par contre l’objectif est de libérer des fins de semaine pour permettre aux équipes d’aller participer à des événements ailleurs. Et ainsi offrir plus de visibilité aux joueurs auprès des universités à l’extérieur du Québec.

Avec 12 équipes D1 collégiales chez les gars, 8 chez les filles et des dizaines en D2, l’offre n’est pas mauvaise au Québec. Ça pourrait être plus et meilleur encore néanmoins. Par contre, on n’a que cinq équipes universitaires masculines et cinq féminines. Il n’y a que deux universités francophones qui ont des programmes. C’est un gros problème ça aussi.

Pour les jeunes qui aspirent au niveau universitaire, il y a trop peu d’opportunités ici et ce manque entraîne trop de pertes. Même si un championnat canadien ne fera certainement pas de tort, il ne créera pas plus de places. Il faut absolument y voir.

Madame la Ministre…