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Depuis plusieurs années, le monde du sport québécois discute d’un aspect important de son développement, la professionalisation du métier d’entraîneur. Leur reconnaissance passe notamment par une rémunération adéquate. Et si un entraîneur-chef au niveau universitaire ou une responsable de programme sport-études obtiennent des salaires décents et parfois plus, le niveau collégial demeure un enfant pauvre.

Il y a quelques années, j’avais vu un affichage de poste pour un entraîneur de basketball D1. Le salaire offert était de 12 000$ pour la saison. Dernièrement, en discutant avec un responsable d’un centre sportif d’un autre cégep, il m’a mentionné que c’était le salaire versé à leur entraîneur de volleyball, également en division 1.

Sans imaginer que les salaires des entraîneurs étaient faramineux, je suis chaque fois resté estomaqué. Sachant ce qu’implique le travail d’entraîneur-chef à ce niveau, de nombreuses questions valaient la peine d’être soulevées.

En discutant avec plusieurs entraîneurs toujours en poste ou non ainsi qu’avec des responsables des sports dans différents cégeps, j’ai pu amasser des informations particulièrement intéressantes. À la fin, toutes mènent à un constat, nos entraîneurs au niveau collégial sont sous-payés et il faut que les choses évoluent rapidement.

Le football et le hockey sont considérés comme des sports à part. D’abord parce que le nombre d’étudiants-athlètes impliqué peut facilement justifier des embauches à temps plein Ça reste que ce n’est pas la mer à boire non plus. Jasez avec un entraîneur-chef et demandez-lui si son salaire pour coacher est suffisant pour obtenir une hypothèque auprès d’une banque afin d’installer sa famille dans une maison non loin de son cégep.

Et comme je l’ai constaté, si vous dirigez une équipe féminine ou une équipe masculine, on ne vous octroit pas les mêmes conditions. De source très sûre, je sais qu’un programme collégial paie l’entraîneur-chef de son équipe de hockey masculine le double du salaire donné à son homologue de l’équipe féminine.

40 000 $ pour l’un et 20 000 $ pour l’autre. Des salaires déjà grotesques. Mais un cas qui démontre en plus une autre importante faille de notre système, la reconnaissance et le respect envers le sport féminin. On a certains exemples de décisions ridicules prises au détriment d’équipes féminines dans le passé. Mais revenons à notre sujet principal.

Pour les autres sports, basket, volley, soccer, etc., on parle de salaires variant habituellement entre 12 000 et 20 000$ en D1 selon les cégeps d’où proviennent les gens à qui j’ai parlé. L’expérience et le niveau PNCE (Programme national de certification des entraîneurs) ont notamment une incidence sur la rémunération. Cependant, on demeure à des niveaux qui obligent ces personnes à occuper un autre emploi.

Pourquoi en est-il ainsi? Le financement général du sport et la reconnaissance du rôle des entraîneurs sportifs par les gestionnaires d’établissements collégiaux.

Au Québec, le budget du gouvernement consacré au sport représente grosso modo 10% de celui dévolu à la culture. Le sport n’est pas considéré comme un pilier de notre société au même titre que la culture. Donc, les dépenses sont accordées en conséquence. Pour une première fois dans l’histoire, une coalition de la plupart des grands organismes sportifs s’était formée avant les dernières élections pour demander formellement un rattrapage budgétaire. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant de constater ces chiffres. Mais c’est aussi un autre sujet.

Toute comparaison étant souvent boîteuse, je vous soumets ceci. Le Réseau intercollégial des activités socioculturelles du Québec (RIASQ) est le pendant artistique du RSEQ, mais pour les établissements d’enseignement collégial seulement. Dans son rapport annuel 2021-2022, le RIASQ mentionne huit événements qu’il a organisés dont le fameux Cégeps en spectacle que tout le monde connaît. L’organisme a de plus soutenu les comités organisateurs de huit autres événements produits dans divers cégeps. Au total, en se fiant aux données du rapport annuel, on parle de plus ou moins 2500 participants. Pour cela, le gouvernement a subventionné l’organisme à hauteur d’environ 825 000$.

Pour la même période, le RSEQ qui a chapeauté les activités de plus de 180 000 étudiants a reçu 360 000$. Et pour se donner une idée, juste au niveau collégial, on dénombrait tout près de 12 000 étudiants-athlètes.

330$ par participant d’un côté, 2$ de l’autre. Il y a possiblement des nuances à faire ou des éléments dont il faut tenir compte et dont je ne connais pas la teneur. Cependant, même en absolu, la différence est majeure. Le RSEQ dont le conseil d’administration est présidé par l’ancien ministre David Heurtel peut-il trouver une façon de s’attaquer à cet écart? Je sais qu’au moins un membre du C.A. souhaite en faire un cheval de bataille.

Quant à la reconnaissance du rôle des entraîneurs, ça commence et on le voit à divers niveaux. J’ai parlé d’entrée de jeu des programmes sport-études dans les écoles secondaires. Ceux-ci sont reconnus et subventionnés par le gouvernement. Leurs responsables et entraîneurs sont donc rémunérés selon des balises établies. On peut vivre de ces emplois.

Au niveau universitaire, je vous promets que les entraîneurs-chefs des équipes sportives ont de quoi mettre du pain sur la table de leur famille. Les programmes sportifs mis sur pied et chapeautés par les universités offrent un encadrement et un environnement de travail de qualité pour les entraîneurs. Les universités en reconnaissent l’importance.

Par contre, quand on regarde entre les deux, on constate que tout le travail est à faire dans les cégeps. On mise encore trop sur la passion des gens en place sans comprendre ce qu’on leur demande. Bien sûr, certaines directions de la vie étudiante ont plus à coeur que d’autres le sort de leurs équipes sportives et de leurs entraîneurs. Mais ça ne signifie pas que ça se transforme toujours en argent sonnant.

C’est unanime pour tous les responsables à qui j’ai parlé. Le sport est vu comme un simple service. C’est donc difficile d’obtenir sa part de la tarte pour se payer un ou une entraîneur-e. À la base, la notion même du temps consacré à s’occuper d’une équipe sportive est loin d’être reconnue à sa juste valeur par les directions des établissements collégiaux.

Non seulement un entraîneur-chef doit-il préparer ses étudiants-athlètes à performer à leur mieux en compétition, il s’assure de leur santé générale, de leur état psychologique, de leur développement athlétique et de leur réussite éducative. Évidemment, je ne parle même pas des heures de préparation entre les entraînements, des voyages et du recrutement.

Qui plus est, le travail ne commence pas à la première semaine du calendrier des matchs pour se terminer à la fin de la saison régulière, 4 mois plus tard. C’est un travail à temps plein ou presque quand on veut être compétitif. Les entraînements débutent en août, l’encadrement sportif et académique se fait à longueur d’année. Le recrutement aussi, qui implique des appels, des visites, le visionnement de matchs, de l’analyse, des réunions qui se font très souvent en-dehors de ce qu’on appelle les heures de bureau.

Qui plus est, on parle de personnes en charge d’un groupe parfois aussi important qu’une classe, détenant des diplômes universitaires (souvent de 2e cycle).

Alors pourquoi est-ce que si peu de postes à temps plein et bien rémunérés sont considérés justifiés dans le monde du sport alors qu’on est prêt à embaucher plus de psychologues, d’orthopédagogues, d’adjointes départementales? Des gens aussi importants pour la réussite éducative des jeunes, soit la mission première d’un établissement d’enseignement. Parce que le sport n’est pas pris au sérieux. On ne le considère pas suffisamment comme une partie intégrante du cheminement des étudiants-athlètes. Et parce qu’il est encore ancré dans la mentalité de très nombreuses personnes que le bénévolat fait partie de l’organisation et la gestion du sport.

Il faut aussi considérer ce que représente un athlète dans une école. Pour un cégep comme Thetford, par exemple, qui attire des centaines d’étudiants via le sport, c’est primordial d’accorder de bonnes conditions aux entraîneurs. Mais pour un autre, situé dans les grands centres, la population estudiantine sera la même qu’elle pratique un sport ou non. Donc l’intitution n’a pas les mêmes incitatifs à vouloir consacrer des moyens financiers importants à ses programmes sportifs.

Est-ce que les entraîneurs en milieu collégial auraient intérêt à former une association pour demander des conditions décentes de rémunération? Est-ce que les services de ressources humaines des cégeps ne devraient pas évaluer réellement l’apport des entraîneurs sportifs et soumettre des grilles salariales davantage en ligne avec le reste des employés? Et enfin, pourrait-on évaluer honnêtement le temps que consacrent les entraîneurs à leur travail?