Les rumeurs couraient depuis plusieurs semaines, voire des mois, la situation n’était pas au beau fixe au sein du groupe d’entraîneurs de l’équipe de football des Redbirds de McGill. Mais voilà que trois d’entre eux ne seront pas de retour pour la saison 2023. Et possiblement un quatrième. Un changement d’air nécessaire, selon plusieurs.
Le coordonnateur offensif David Lessard, l’entraîneur de la ligne offensive Marc Glaude et l’entraîneur des ailiers rapprochés et des centres arrières Anthony De Francesco seront à remplacer.
Dans le cas de Rob Payne, entraîneur des receveurs, celui-ci viserait à retourner dans la Ligue canadienne de football. Il aurait des offres de contrat en main, mais rien n’est réglé au moment d’écrire ces lignes.
En ce qui concerne Tony De Francesco, il sera officiellement nommé entraîneur-chef des Lynx d’Édouard-Montpetit en collégial D2. Une occasion en or pour lui avec des conditions idéales. Impossible de dire non malgré sa proximité avec l’entraîneur-chef des Redbirds Ron Hilaire. Ceci dit, est-ce que la situation concernant Lessard et Glaude aura été un facteur dans sa décision? À lui de le dire.
Ceci dit, il était de plus en plus clair que les choses ne tournaient pas rond au sein de l’équipe des Redbirds. Au-delà des résultats, le mot commençait à circuler de plus en plus à propos de dissensions au sein de la formation. Ce qui pouvait passer pour du chiâlage au départ est rapidement devenu un problème majeur qu’il fallait régler.
Au fil des semaines et des conversations, on a appris que l’entraîneur-chef Ron Hilaire et ses entraîneurs David Lessard et Marc Glaude ne voyaient pas les choses de la même façon. Une situation normale comme on en voit partout. Sauf que l’histoire a pris de l’ampleur quand les deux entraîneurs offensifs auraient tenté de faire évincer Hilaire.
La façon dont les choses se sont passées demeure nébuleuse. A-t-on voulu tasser Ron Hilaire, comme ça m’a été rapporté par plusieurs sources? Les informations reçues sont parfois contradictoires et il est difficile, voire impossible, d’avoir des confirmations nettes sur les péripéties entourant ce que plusieurs ont qualifié de tentative de putsch. On sait cependant que l’affaire s’est retrouvée sur le bureau des ressources humaines de l’université McGill.
Ce qu’il faut savoir c’est que les divergences entre les entraîneurs ne sont pas passées inaperçues pour les joueurs durant la dernière saison. Sous le couvert de l’anonymat pour éviter les représailles, certains ont mentionné qu’on essayait d’ériger des murs entre les joueurs et que ça créait des tensions. Plutôt que de rassembler les joueurs, il semble que certaines actions et certaines paroles avaient pour effet de créer des cliques.
Plusieurs des joueurs contactés voient d’un bon oeil le nouveau chapitre à venir.
À qui la faute? À quoi doit-on attribuer ces façons de faire? Quel était l’objectif de chacun? Difficile d’avoir une réponse évidente. Mais visiblement le climat de travail était devenu malsain. Et on devra encore une fois dénicher un nouveau coordonnateur offensif. Plusieurs entraîneurs mécontents ont quitté McGill au fil des dix dernières années.
Il est intéressant de savoir qu’à la fin de la saison, au moment du meeting de fin d’année, un sondage a été passé auprès des joueurs par les ressources humaines de l’université. Selon Daniel Méthot, directeur des sports d’excellence à l’université McGill, c’est une pratique habituelle reprise à la fin de chaque saison auprès de chacune des équipes. Cependant, des joueurs m’ont laissé entendre que l’ambiance était particulière dans ce cas-ci puisque les entraîneurs n’étaient pas tous présents lors de la rencontre et qu’ils n’ont presque pas adressé la parole aux joueurs.
David Lessard occupera désormais un rôle de conseiller académique à l’université. Il sera notamment responsable de l’évaluation des dossiers académiques pour les joueurs de football recrutés. J’ai eu l’occasion de lui parler et il était important pour Lessard de souligner qu’au-delà des désaccords habituels qu’on peut avoir au sein d’une équipe de football, il n’y a pas de conflit entre Ron Hilaire et lui.
« Ma décision est personnelle et après 25 ans de coaching et deux années difficiles au niveau des résultats, je ressentais un essouflement. Après la saison, j’ai pu discuter avec Daniel et Ron et j’ai profité de l’occasion pour réorienter ma carrière. Mais je reste impliqué quotidiennement avec l’équipe de football et le bureau de Ron est à cent pas du mien. On se croise régulièrement. Je n’ai pas quitté en claquant la porte et je ne serais pas resté à McGill si notre relation était mauvaise.»
Celui qui a été entraîneur à Montréal et Sherbrooke dans le passé s’inscrit également en faux à propos des rumeurs voulant qu’il ait tenté de prendre la place de l’entraîneur-chef. « Ron a ses façons de faire. C’est un gars différent. Mais j’ai toujours respecté sa position d’entraîneur-chef et son droit de mener sa barque à sa manière. Ça ne signifie pas pour autant qu’on était à couteaux tirés.»
Va-t-il revenir au coaching? « Pas à court terme. J’ai vraiment besoin de recharger mes batteries. Peut-être dans deux, trois, quatre, cinq ans. On verra.»
Quant à Marc Glaude, il n’a pas voulu entrer dans le détails ayant mené à sa décision de quitter son poste d’entraîneur de la ligne offensive lors d’une entrevue. Officiellement, Glaude amorcera un doctorat en psychologie du sport, plus spécifiquement sur les dynamiques de groupe dans le football. Il souhaite étudier les équipes de la Ligue canadienne de football.
« Je suis à l’aise avec ma décision, m’a confié Marc Glaude. Mon doctorat est ma priorité et je suis content de la façon dont les choses se sont passées avec les joueurs et où on en était rendu. Ça faisait cinq ans que David (Lessard) et moi on travaillait ensemble. On aimait notre attaque. J’ai écrit aux joueurs. Beaucoup m’ont dit être déçus, mais j’ai surtout reçu des messages de soutien. »
Questionné sur l’impact des départs sur le programme de football à McGill, Marc Glaude n’est pas inquiet : « Il n’y a pas de danger pour le programme, ni pour les joueurs. Il y a un bel encadrement qui est assuré par le directeur Daniel Méthot. »
D’ailleurs, M. Méthot, arrivé en poste en juin dernier après avoir été en charge du sport d’excellence pendant 14 ans à l’UQAM, qualifie de positif l’exercice qui a mené au départ de David Lessard et Marc Glaude. « C’était un passage obligé. Ultimement on était arrivé au bout d’une relation professionnelle qui avait besoin d’être terminée. Il faut comprendre que ce n’est pas simple la vie d’entraîneur de football. Ce n’est pas un rythme de vie normal entre le 15 août et le 15 novembre. Il arrive que les communications se fassent difficilement. C’est à nous de gérer les individus en place et de s’assurer que tout le monde comprenne bien ce qui est demandé dans ce contexte. »
Daniel Méthot ajoute que le sondage a permis de mettre la lumière sur certaines choses. « Le sondage a eu un impact sur les décisions, oui. Des souhaits ont été entendus. Les jeunes sont brillants et sont capables de mettre les choses en perspective. Ceci dit, on n’a rien trouvé de choquant dans les réponses. »
Donc on tourne la page chez les Redbirds. Bien entendu, il sera intéressant de savoir qui prendra la relève aux différents postes. Une grosse vague de plus dans le tourbillon qui frappe le coaching du football québécois cet hiver.
Enfin, est-ce que tout ça aura un impact sur le recrutement? Selon les dires de l’entraîneur-chef Ron Hilaire, tout va très bien de ce côté et on aura droit à une série d’annonces dans les prochaines semaines. Il faudrait s’attendre à quelques « studs » dans le lot.