L’équipe de flag-football des Nomades de Montmorency a réalisé un incroyable tour de force en fin de semaine dernière. La formation collégiale a gagné le championnat canadien universitaire en battant au passage les trois meilleures formations au pays, dont les double championnes en titre, l’Université de Montréal. En vue des Jeux olympiques de 2028, le flag québécois s’impose.

Pour les néophytes, il est important de faire une mise en contexte. Le flag-football a une ligue universitaire organisée depuis trois ans seulement. Si la discipline existe depuis longtemps dans les écoles secondaires et les cégeps du Québec – particulièrement dans la grande région métropolitaine – la création de la ligue universitaire est venue d’une initiative d’Alexandre Desjardins et de plusieurs étudiantes ferventes de ce sport.

Desjardins, par ailleurs, est l’entraîneur-chef de l’équipe de l’Université de Montréal. Son adjoint, François Bougie, est entraîneur-chef de l’équipe nationale. Les Bleues ont gagné les trois premiers championnats provinciaux de l’histoire du circuit universitaire. Elles avaient aussi remporté les deux championnats canadiens avant de se présenter au parc Riverdale de Lasalle en fin de semaine.

Il faut aussi savoir qu’au niveau canadien, le Québec fait plus que bonne figure. La province est dominante. En fait, 10 des 16 équipes présentes au championnat universitaire étaient d’ici. Et parmi elles, on comptait cinq équipes collégiales. Preuve que le sport est beaucoup plus organisé ici que dans le ROC.

Cependant, les représentantes de l’UdeM ne sont pas seules sur leur île pour autant. L’UQAM et Concordia ont aussi de solides équipes menées par des joueuses très talentueuses et des entraîneurs chevronnés. Ce top 3 qui est généralement considéré comme intouchable a néanmoins eu affaire à une équipe spéciale, une équipe collégiale de surcroît.

Le tournoi fonctionnait par pools. Quatre groupes de quatre équipes dont les deux mieux classées se qualifiaient pour les quarts-de-finales. Ayant terminé troisièmes du tournoi de qualification des équipes collégiales, les Nomades se sont retrouvées dans le même groupe que l’UQAM, Guelph et Regina Green.

Et dès le premier jour de compétition, la troupe dirigée par François Deslauriers a causé une première surprise. D’abord, une victoire sans équivoque de 33-0 face à Guelph. Puis plus tard, en soirée, le Nomades ont battu les Citadins de l’UQAM 34-28. Une énorme victoire grâce notamment à trois interceptions, dont deux dans la zone des buts, par la défensive montmorencienne. Le message était lancé.

« Il faut être honnête, en arrivant là, on ne croyait pas qu’on allait battre les trois grosses équipes. On avait terminé 5e l’an passé, mais le top 3 dans ma tête, c’était imprenable », m’a confié François Deslauriers.

Un point de vue partagé par la joueuse étoile Anne-Frédérique Tardif. « Personnellement, avant d’arriver au tournoi, je croyais en nos chances de gagner contre des équipes universitaires, mais contre Montréal, UQAM et Concordia, on s’y attendait pas vraiment. »

« Le sport, c’est beaucoup une affaire mentale. Quand on a vu que c’était égal à la mi-temps, les filles y ont cru », a ajouté Deslauriers.

Et après cette première victoire face à une équipe du top 3, les choses ont changé dans la tête des championnes de la ligue collégiale D1. Le lendemain, après une victoire de 37-13 face à Regina Green, les Nomades concluaient le tour éliminatoire en tête du groupe C. Elles allaient donc affronter les représentantes de l’Université de Sherbrooke en 1/4 finale. Une victoire très franche de 32-0 avec deux touchés chacune pour Tardif et Erika Mangini.

Anne-Frédérique Tardif / Crédit photo : Tanya Dona

En demi-finale, les Nomades avaient rendez-vous avec les puissantes Stingers de Concordia menées par l’excellente quart-arrière Sara Parker. Et ces dernières ont rapidement imposé leur rythme, prenant même une avance de 32-12 à la mi-temps. Sauf qu’à la mi-temps, avec un important retard, au lieu d’accepter leur sort, les joueuses des Nomades ont pris la décision de ne pas abandonner. « Ce qui nous a vraiment aidé, c’est que nous sommes arrivées là avec le sentiment que nous n’avions rien à perdre, sans sentiment d’infériorité. J’ai dit aux filles qu’on était capable de le faire et personne n’a baissé les bras. On n’allait pas leur laisser une victoire facile », explique Anne-Frédérique Tardif.

À partir de là, Elisabeth Ashkar s’est mise à compléter ses séquences avec des passes de touché dont plusieurs à Julia Paradis-Roberge et la défensive a fait les gros jeux pour finalement aller chercher la victoire en prolongation et causer la deuxième grosse surprise du tournoi.

Restait maintenant à aller jouer la grande finale le dimanche face aux championnes en titre, l’Université de Montréal. Dans le froid, la pluie et le vent, les deux équipes n’avaient pas les meilleures conditions pour donner un spectacle offensif. Et on a eu de nombreux ballons échappés, malheureusement.

Montréal a ouvert le pointage quand Sandrine Gobeil-Huot a rejoint Mathilde Renaud. Puis le duo a remis ça quelques minutes plus tard pour donner les devants 12-0 aux universitaires. Mais Montmorency a encore une fois montré sa force de caractère. Ashkar a rejoint Tardif dans la zone des buts, puis Rosalie Lebeau pour créer l’égalité 12-12.

Elisabeth Ashkar / Source : Instagram

Il faut aussi souligner l’excellence de Pénélope Collins pour les Nomades qui, avec deux interceptions, a tenu l’attaque montréalaise en respect. Abigaëlle Perreault de l’Université de Montréal a aussi réalisé de gros jeux défensifs en rabattant des passes à des moments clés, notamment sur la tentive de conversion suite au deuxième touché de Montmorency.

Le match s’est finalement transporté en prolongation où les deux équipes devaient s’affronter dans un duel de convertis. Dès leur première tentative, les Nomades ont marqué quand Elisabeth Ashkar a décoché une passe parfaite à Anne-Frédérique Tardif qui a réussi un attrapé tout aussi parfait face à une couverture très serrée.

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Puis, à leur tour, les joueuses de l’Université de Montréal ont tenté leur chance, mais la passe de Gobeil-Huot est passée entre les doigts de Julianne Fortin pour mettre fin au match et couronner les collégiennes du titre canadien universitaire.

Humblement, François Deslauriers a attribué la victoire à une série de facteurs : « Neuf fois sur dix, nous aurions perdu face aux équipes du top 3 alors le faire à trois reprises dans le même tournoi, ça revient à une chance sur mille de gagner. C’est une aberration en soi. Mais je pense que nous n’avions rien à perdre alors que pour les joueuses universitaires, affronter une équipe collégiale ça ajoute un stress parce qu’elles ne veulent particulièrement pas perdre contre nous. Et puis, en finale, la température a joué en notre faveur. Les conditions étaient atroces. »

Et que signifie cette victoire pour le flag-football collégial québécois? Pour l’entraîneur des nouvelles championnes canadiennes, il ne croit pas que ça ne fera pas une grande différence pour son cégep. Néanmoins, ça reste à voir pour le sport en général. « Il y a de plus en plus d’étudiantes-athlètes qui choisissent leur cégep en fonction de l’équipe de flag-football. Et éventuellement ce sera la même chose pour l’université. L’Université de Montréal attire beaucoup avec leur groupe d’entraîneurs, mais leur équipe ne pourra pas acueillir toutes les joueuses. Ça permettra éventuellement aux universités à l’extérieur de Montréal de s’améliorer. »

Elisabeth Ashkar et Anne-Frédérique Tardif seront de la prochaine cohorte à l’UdeM. Tandis que leur coéquipière depuis leurs débuts au secondaire à Saint-Sacrement, Julia Paradis Roberge, prendra plutôt le chemin de l’UQAM. En voilà trois dont il sera assurément intéressant de suivre le parcours d’ici 2028.

Pour l’entrevue complète avec Anne-Frédérique Tardif, visionnez le podcast de cette semaine…