Le Rouge et Or est champion de la coupe Vanier pour une 12e fois. Les Cougars de Champlain-Lennoxville ont mis la main sur un 15e Bol d’Or au collégial D1. Les cégeps de St-Hyacinthe et Jonquière ont répété leurs exploits de 2023 en D2 et D3. Tout comme les Condors de St-Jean-Eudes en juvénile D1 et cadet D2. Et que dire des Aigles d’Or de Dalbé-Viau qui ont conquis un deuxième titre en trois saisons en juvénile D2? Du beau football, de grandes émotions. Mais aussi, des gestes qui ont sali tout ça.

Des événements que j’ai notamment rapportés sur mes réseaux sociaux et/ou dont il a été question lors du dernier podcast.

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Sur la scène universitaire nationale, il y a eu des commentaires d’entraîneurs et de joueurs qui ont clairement invoqué leur désir d’écraser des Frenchies, voire même de leur imposer de parler anglais parce que c’est leur pays ici. Certaines paroles que la CBC n’a d’ailleurs pas eu de problème à laisser passer dans ses topos d’avant-match.

Cependant, on a franchi une limite bien pire au niveau juvénile. Après que ça ait été publié sur mes réseaux, les événements ont même fait l’objet d’un reportage sur les ondes de Noovo Info et d’un article dans le Journal de Québec où les journalistes impliqués ont poussé l’investigation.

La victoire des Condors de St-Jean-Eudes au Bol d’Or juvénile D1 a été assombrie quand certains joueurs de l’équipe ont regagné leur vestiaire et se sont filmés en train de chanter Mo Bamba de Sheck Wes (qui inclut le mot en N) en brandissant une pancarte de la campagne du RSEQ Mettons le racisme hors-jeu. Et question de s’assurer qu’on ne puisse pas s’enfarger dans les interprétations, on entend quelqu’un en arrière-plan crier : « Fuck les noirs. »

Dans ce cas, la réponse a été rapide. Les jeunes ont constaté leur « gaffe » et en ont parlé à leurs entraîneurs. Le directeur général de l’institution d’enseignement de Québec a pris les choses en main. Certains jeunes ont été sanctionnés et l’équipe au complet devra suivre une formation de quatre heures donnée par le responsable du comité Équité, Diversité, Inclusion (EDI) du RSEQ, John Robens Cadet.

John Robens Cadet, responsable du Comité EDI au RSEQ

L’école et le RSEQ n’ont rien à se reprocher dans la gestion de ce dossier.

Le RSEQ a accompagné l’école St-Jean-Eudes dans ses démarches afin d’appliquer les mesures nécessaires. Certains auraient peut-être souhaité des punitions sévères et exposées publiquement. Par contre, on y est allé avec une approche éducative plutôt que répressive. Une façon de faire qui correspond à ce que la vaste majorité des jeunes ont manifesté vouloir.

En effet, dans le cadre d’un vaste chantier visant à établir et présenter un plan d’action concret en matière d’EDI, le RSEQ avait lancé en octobre 2021 un sondage auprès de la clientèle étudiante. Plus de 6000 personnes y ont répondu, signifiant clairement qu’en cas de manquement, la solution se trouvait dans l’éducation plutôt que la punition.

Ce n’est donc pas parce qu’on a choisi d’y aller mollo que les joueurs de l’équipe de football juvénile devront se taper une formation incluant des ateliers pendant une demi-journée. Mais parce que la clientèle du RSEQ croit que c’est la meilleure façon d’améliorer les choses et parce qu’on applique un plan mûrement concocté pour faire face à de telles situations.

Ça c’est un cas. Par contre, l’autre, c’est une autre paire de manches.

Encore une fois, vous avez probablement été informés de qui s’est produit à la suite du match demi-finale dans la catégorie juvénile D2 entre les Commandeurs du Collège de Lévis (CDL) et les Aigles d’Or de Dalbé-Viau (DV). Une victoire de 42-0 de ces derniers qui s’est terminée dans un certain tumulte avec bousculades et gros mots à la clé. Rien de particulièrement édifiant, mais on en a vu d’autres.

Le hic est qu’un parent a décidé qu’il serait de bon ton d’en ajouter une couche en mettant ses opinions racistes et méprisantes par écrit et de les faire parvenir à la direction.

J’ai pu parler au triste personnage après qu’on m’ait fait parvenir certaines informations reliant sa missive à son compte LinkedIn. Contrit, le père de famille qui ne correspond pas au stéréotype du mononcle bougon, n’arrivait pas s’expliquer ce coup de tête. Clamant sa volonté de se repentir en même temps que sa prétention de ne pas être raciste, il n’était pas particulièrement fier de son coup, il faut le dire. Et franchement, si son geste était imbécile, son intention de se racheter et de faire face à la musique semblait très sincère. Il a contacté les deux écoles pour demander une rencontre afin de présenter ses excuses. Malgré cela, personne n’a envie de le prendre en pitié.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là.

Ayant pris connaissance du courriel haineux en soirée après la rencontre, le responsable des sports et entraîneur de l’équipe de football juvénile de Dalbé-Viau Dominique Ménard l’a immédiatement fait parvenir au RSEQ, tout en faisant rapport des événements survenus durant la poignée de main. Les arbitres ayant quitté les lieux, il n’était rien mentionné de la chamaille sur la feuille de match. Celle-ci impliquant d’ailleurs un joueur habillé pour CDL, mais non répertorié sur la feuille de match qui aurait servi une raclée à un joueur de DV.

Invité à remplir un plainte officielle par le RSEQ, M. Ménard a attendu au lendemain pour compléter les procédures. Une chose qu’il m’a dit n’avoir jamais fait auparavant dans sa carrière.

Le lendemain matin, le concierge de l’école a contacté M. Ménard après avoir constaté des dégats matériels importants dans le vestiaire de l’équipe visiteuse, celui des Commandeurs. Deux lavabos et une porte brisés. L’incident a donc été ajouté à la plainte initiale, photos incluses.

Au moment où on se parle, une rencontre de médiation est prévue pour vendredi entre les deux organisations et le RSEQ. Selon le RSEQ, il semble qu’on soit dans un cas de la parole de l’un contre la parole de l’autre. Néanmoins, mes informations me disent que le CDL serait prêt à rembourser les bris s’il est déterminé qu’ils ont été causés par les joueurs de l’équipe de football.

Les Aigles d’Or de Dalbé-Viau champions du Bol d’Or / Crédit photo RSEQ

Dans le camp de DV, les réactions sont nombreuses. De la frustration bien entendu, mais également un sentiment de déjà-vu, de découragement et une impression que toute cette énergie est dépensée pour rien. Dominique Ménard m’a partagé que des commentaires ou des lettres comme celle reçue cette année sont monnaie courante.

« Des menaces et des insultes, on en reçoit comme ça chaque année depuis 2015. Il y a toujours quelqu’un qui sent le besoin de nous insulter ou d’écrire des menaces après qu’on ait gagné. C’est décourageant de voir ça encore en 2024. »

L’entraîneur-chef en a profité pour me raconter qu’en 2022 après la victoire des Aigles d’Or en quart-de-finale, une femme avait invectivé directement ses joueurs en disant d’eux qu’ils étaient de futurs chauffeurs de taxi. S’en prenant à un en particulier, elle aurait même dit souhaiter sa mort. C’est à ça que fait face régulièrement cette équipe. Et ils ne sont assurément pas les seuls.

Chaque cas doit être pris séparément, certes. La très, très très vaste majorité des gens détestent ces comportements et vont les condamner. Mais n’est-il pas temps de faire collectivement plus et mieux? Quand les cas s’accumulent au fil des semaines, ça frappe. Et possiblement que ça me frappe plus que ceux qui le vivent parce que j’ai la chance de ne pas subir ce genre de mépris rgulièrement.

J’ai condamné les gestes et publié des informations pour qu’on connaisse ces histoires. En même temps, j’ai tu le nom de l’adulte qui a écrit la lettre destinée à DV même si je sais parfaitement qui il est et qu’il m’a avoué tous ses torts au téléphone. Un dilemme moral pour moi. D’un côté est d’accord à 100% avec ceux qui disent que cet homme doit subir les conséquences de ses gestes. De l’autre, il faut comprendre ce qu’est le libelle diffamatoire. Il est ainsi défini au code criminel canadien comme une matière publiée sans justification ni excuse légitime et de nature à nuire à la réputation de quelqu’un en l’exposant à la haine, au mépris ou au ridicule, ou destinée à outrager la personne contre qui elle est publiée.

Et au final, est-ce que ça aiderait la cause que de servir l’auteur en pâture? Ça ferait du bien à certains, mais est-ce que ça réglerait le problème à court, moyen ou long terme? Je ne pense pas. Même si quelques personnes m’en voudront de choisir l’option de ne pas l’identifier publiquement.

Le RSEQ est aussi une cible assez facile dans tout ça. Mais il y a un plan d’action et une campagne bien réelle et visible basée sur un travail sérieux et en profondeur qui est actuellement en branle pour lutter contre le racisme. On souhaiterait par contre que l’organisme fasse preuve d’une fermeté évidente et sans équivoque dans ses communications.

Le DG Stéphane Boudreau a mal paru dans un reportage de Noovo en évitant de se prononcer sur une question du journaliste. Je sais par contre que ce n’est qu’une réponse prise sur une conversation de huit minutes que M. Boudreau croyait être « off the record ».

Néanmoins, je fais partie de ceux qui trouvent qu’on manque de conviction dans les prises de position publiques. Mis à part le député Enrico Ciccone, qui a pris la défense des jeunes de Dalbé-Viau? Le communiqué émis par le Collège de Lévis suite aux événements était plutôt tiède.

Il me semble qu’il aurait été de mise qu’on en profite pour se prononcer haut et fort contre les comportements répréhensibles qui se déroulent autour des matchs et par ceux qui y assistent. On s’est plutôt cantonné derrière les limites de la juridiction.

Pour mettre en place sa vision (être reconnu comme le leader du développement du sport et de l’activité physique dans le milieu étudiant et un incontournable de la concertation avec les différents partenaires), le RSEQ doit aussi lancer des messages clairs à ceux qui font partie de l’environnement immédiat du sport étudiant. Les parents en sont une partie prenante évidente.

Pas besoin d’avoir une juridiction pour représenter fièrement et avec force des valeurs d’inclusion. Peu importe qui ça pourrait déranger au passage.

Oui, le RSEQ, c’est d’abord ses membres et la direction générale opère ce que les membres décident de leur donner comme mandat. Pour cette raison, j’aurais aimé avoir les commentaires de la présidente du conseil d’administration, madame Marie-Claude Duchesne. Cependant, on a refusé ma demande d’entrevue. Il aurait été intéressant de savoir ce que pensent les gens à qui la permanence du RSEQ rend des comptes. Une autre fois peut-être ou à un média plus important…