Hockey Canada a dévoilé ce jeudi la liste des joueuses invitées à ses camps pour l’équipe nationale de développement et sa formation M18. Sur les 24 qui auront l’opportunité de concourir pour un poste sur l’équipe de développement, aucune ne provient du réseau universitaire canadien (U Sports) et une seule vient du Québec. Une blague.
Une farce qui passe très mal dans les milieux du hockey de la Belle Province. Certaines personnes réagiront en disant que pour atteindre l’équipe nationale, il faut nécessairement passer par la NCAA. Il faut cependant se rendre à l’évidence. Si vous êtes une joueuse du Québec, NCAA ou non, vous n’en serez pas plus.
Hockey Canada semble n’accorder aucun crédit au système universitaire canadien dans le développement de l’élite. Qui plus est, la fédération ne daigne même pas jeter un oeil dans sa propre cour pour donner une chance à ses meilleures.
L’absence de Gabrielle Santerre du groupe invité pour l’équipe de développement en est une démonstration éloquente. Santerre vient de connaître une saison historique sous les couleurs des Gaiters de Bishop’s. Elle a été la toute première étudiante-athlète d’un sport d’équipe à recevoir les titres d’athlète par excellence et de recrue de l’année la même saison dans l’histoire du U Sports. Elle a été la meilleure joueuse de hockey non professionnelle à évoluer au Canada l’hiver dernier.
Sauf que la responsable du recrutement, Cherie Piper, trouverait qu’elle n’est pas assez rapide. Faut dire que quand on décide de ne même pas venir la voir jouer sur place une seule fois durant la saison, on peut penser que l’idée était déjà faite. Vous avez bien lu, pas une seule fois, Piper ne s’est déplacée pour voir de quoi avait l’air la prodige de St-Jean-sur-Richelieu.
Émilie Lussier, une autre recrue du circuit universitaire en 23-24, a été la meilleure pointeuse des Stingers de Concordia. Pas une équipe moyenne sans grand talent. La meilleure équipe universitaire au Canada. Une équipe remplie de joueuses de très haut niveau, comme Emmy Fecteau, Rosalie Bégin-Cyr, Jessymaude Drapeau, Chloé Gendreau. Concordia serait assurément une équipe compétitive dans la NCAA.
Selon les échos que j’ai reçus, Cherie Piper trouve qu’elle manque de physicalité dans son jeu.
Dans les deux cas, on les avait boudées la saison passée en prétextant qu’elles dominaient au niveau collégial face à des joueuses plus jeunes. Elles ont toutes deux démoli cet argument cette année. Il semble même que Hockey Canada a pris le temps de contacter Hockey Québec, il y a quelques semaines déjà, pour expliquer l’inexplicable.
Mettez Santerre et Lussier en compétition directe avec les joueuses de la NCAA et on en aura le coeur net quant à leur valeur. Hockey Canada aura tout le loisir du monde de les couper si elles ne font pas le poids.
À la lueur de ces décisions, il est clair que pour Hockey Canada, la NCAA est de beaucoup supérieure au réseau universitaire canadien pour le développement des joueuses. Que la crème de la crème est systématiquement au sud de la frontière. Au point où aucune joueuse évoluant de ce côté-ci ne mérite une évaluation en bonne et due forme.
Il faut dire que pour une part très importante des personnes en position d’autorité chez Hockey Canada, le développement du hockey féminin est fait de façon à systématiquement envoyer les meilleures joueuses dans la NCAA. C’est le cas en Ontario. On peut le constater au championnat universitaire canadien alors que la conférence ontarienne ne revendique que quatre titres en 25 ans. Est-ce pour cette raison qu’on croit bon passer outre le talent qui évolue ici?
Qu’en pense Gina Kingsbury, la directrice générale à qui on a confié en novembre dernier le mandat de superviser le programme féminin jusqu’aux Olympiques de 2026? Qu’en pense Alison Domenico, entraîneuse-chef de l’équipe de développement, qui est également à la tête de l’équipe des Gee-Gee’s d’Ottawa dans le U Sports?
Il n’a pas été possible de le savoir parce que nos tentatives de communication sont restées lettre morte. Le responsable des relations avec les médias chez Hockey Canada, Jacob Wolfenden, croule probablement sous les demandes et n’a pas eu le temps de se rendre à mon courriel.
Quel message envoie-t-on aux jeunes joueuses de hockey du du Québec et du Canada? Que dit-on à nos entraîneurs et à nos programmes universitaires? Hockey Canada a le devoir d’aller chercher les meilleures pour former ses équipes nationales. Et bien que j’accorde à Piper et Kingsbury toute la crédibilité nécessaire pour faire les meilleures sélections possibles, je me demande si le vieux biais négatif envers nos structures ne pèse pas trop lourd dans la balance.
Caroline Ouellette et Julie Chu à Concordia valent n’importe quel entraîneur de la NCAA. Isabelle Leclaire à l’Université de Montréal a démontré depuis longtemps qu’elle sait parfaitement développer des joueuses au sein d’un programme de haut niveau. Et Valérie Bois à Bishop’s n’a certainement pas nui au passage de Gabrielle Santerre du niveau collégial au niveau universitaire.
Chaque fois que Hockey Canada a besoin de nos universitaires pour les représenter aux championnats de la FISU, ces dernières s’y présentent en déboursant des milliers de dollars de leur poche, car la fédération ne défraie aucun coût pour leur participation. On fait appel à leur fierté et on adore les médailles qu’elles rapportent. Pourquoi alors les snober quand vient le temps de passer au niveau supérieur?
Ève Gascon sera la seule représentante du fleurdelysé au camp de l’équipe de développement. Avant sa saison 23-24 avec l’Université Minnesota-Duluth, elle n’avait jamais évolué au sein d’une équipe féminine et en tant que gardienne, son cas demeure exceptionnel.
Chez les M18, seules quatre Québécoises se sont frayé un chemin parmi les 46 invitées. Le mince bassin de joueuses de hockey de la province n’est pas étranger à cette faible représentation. La gardienne Marilou Grenier et la défenseure Anaïs Leprohon ainsi que les attaquantes Loélie Lachapelle et Rosalie Tremblay sont celles qui auront l’opportunité de représenter le Canada lors d’une série de trois matchs contre les États-Unis à la mi-août.
Les expertes consultées ne sont cependant pas surprises du nombre. Je suis malgré tout curieux de constater qu’une joueuse aussi productive que Laurence Lafleur ne fait pas partie du lot. 42 buts en 24 matchs devraient valoir qu’on passe par-dessus un coup de patin qu’on dit moyen.
On a le tour de se tirer dans le pied parfois. Quand une fédération sportive nationale crache sur les plus hauts niveaux de sa propre structure, elle sabote son propre travail. Et dans le cas qui nous concerne aujourd’hui, ce n’est pas un cas exceptionnel. Parlez-en à une Mélodie Daoust qui a joué à McGill au lieu d’aller dans la NCAA et qui fut snobée plusieurs fois par Hockey Canada avant d’être finalement choisie pour porter l’unifolié. Daoust a été la joueuse par excellence du tournoi olympique à PyeongChang.
Universitaires d’ici ou d’ailleurs, les joueuses québécoises sont sous-représentées au sein des programmes d’élite canadien. Ce n’est ni normal, ni acceptable. Et les raisons pour le justifier sont insensées. On voit aujourd’hui avec la LPHF où des Catherine Dubois, Alexandra Labelle, Audrey-Anne Veillette et Jade Downie-Landry démontrent qu’elles n’ont rien à envier aux femmes qui sont passées par la NCAA.