Crédit photo : Rocket Lavoie
L’arrêt des activités de l’équipe masculine de hockey D2 de l’Université Concordia est survenue de façon assez soudaine. Si pour le moment, il ne semble manquer qu’une reconnaissance du statut de club auprès du Concordia Student Union (CSU) pour reprendre les activités, d’autres questions surgissent quand on tente de démêler le tout.
D’Arcy Ryan, Directeur Recreation and Sports à Concordia, m’a expliqué en entrevue que l’équipe de hockey D2 n’avait pas satisfait aux demandes du CSU pour obtenir sa reconnaissance comme club. De ce fait, l’équipe n’aurait même pas dû jouer en 2023-2024. M. Ryan n’était cependant pas en mesure de me dire si l’entraîneur du club, Hugo Vincent, était au courant et avait oublié de le dire au département des sports de l’université ou s’il ne le savait tout simplement pas.
Il est important de comprendre que le statut de club est nécessaire pour l’équipe de hockey D2, comme c’est le cas aussi pour l’équipe de flag-football ou d’Ultimate frisbee. Ces organisations ne sont pas des équipes sportives officielles de Concordia. Elles ne portent d’ailleurs pas le nom Stingers. Elles n’ont pas le statut « varsity ». Ce n’est d’ailleurs rien de spécifique à cette université, c’est le cas de la grande majorité des équipes universitaires québécoises de flag-football, par exemple.
Les équipes qui ont le statut de club ne sont donc pas sous la gouverne des départements sportifs des universités. Ces clubs se gèrent eux-mêmes avec un exécutif et leur propre modèle de financement. Dans le cas de l’équipe de hockey, chaque joueur devait débourser aux alentours de 3000 $ pour la saison. En comparaison, les membres des équipes D1, gars ou filles, ne paient rien pour jouer.
Pour obtenir le statut de club, l’équipe masculine de hockey D2 de Concordia doit donc satisfaire à des critères édictés par le CSU. Selon D’Arcy Ryan, il semble que la paperasse (« paperwork ») n’ait pas été complétée adéquatement. Néanmoins, un autre son de cloche m’est parvenu et il semble que ce ne serait pas simplement une histoire de « paperwork ».
Équité, diversité, inclusion
En réponse à ma question posée hier afin de connaître les raisons derrière la décision de mettre fin au programme D2, Marc-André Élément, entraîneur-chef du programme de hockey masculin D1 et initiateur du projet de création d’une équipe D2, m’a parlé de « trop de choses incertaines » (voir article).
Ces incertitudes concerneraient donc la possibilité d’obtenir ce statut de club auprès de l’Association étudiante. Et franchement, force est d’admettre que les risques doivent être assez élevés que ça ne fonctionne pas. Sinon on aurait attendu avant de faire part de la décision aux autres équipes de la ligue et aux joueurs concernés puisqu’une rencontre serait prévue avec le CSU pour tenter de faire changer les choses. J’y reviens plus bas.
Une conversation avec un étudiant-athlète finissant m’a permis d’apprendre que les raison invoquées par les CSU pour justifier son refus d’accorder le statut de club à l’équipe de hockey D2 seraient très discutables. Je ne m’étendrai pas sur celles-ci pour le moment, faute d’avoir pu obtenir la version des deux parties. Des messages laissés au Concordia Student Union sont restés sans réponse.
Il faut souligner qu’il est écrit noir sur blanc dans les statuts de l’Association étudiante de Concordia qu’un club doit démontrer qu’il offre un service aux élèves qui n’est pas déjà offert par un autre club. Un club de hockey D2 qui offre des services similaires à une équipe de hockey varsity D1, est-ce un problème du point de vue du CUS? Je ne sais pas. Mais ce n’est pas la raison invoquée.
Des questions financières
Par ailleurs, un autre volet de cette histoire demeure nébuleux. La saison dernière, le département Recreation and Sports de Concordia a dû venir en aide à l’équipe de hockey D2 via un appel de don pour boucler son budget, selon D’Arcy Ryan. Est-ce que cette situation a ouvert la brèche qui a mis la lumière sur le statut de l’équipe D2?
Car on peut se poser la question. Comment se fait-il que le programme D2 ait pu opérer trois ans sans avoir le statut de club? M. Ryan m’a mentionné que l’équipe D2 avait déjà eu le statut de club mais qu’elle l’a perdu. Il m’a assuré que les joueurs le savaient depuis le début, mais que le département des sports aidait à l’administration. Ce que le CSU ne permettrait plus.
Sauf que ça n’est pas clair pour moi. Si tel avait été le cas, il aurait fallu que le club soit constitué d’un conseil formé des étudiants. Et que ce conseil ait la responsabilité du financement et de la gestion budgétaire. Et selon les joueurs à qui j’ai pu parler, ça n’a jamais été le cas.
En fait, chaque année, les joueurs de l’équipe D2 versaient 3000 $ dans un compte géré par le département Recreation and Sports. Ce dernier s’occupait de tout organiser via l’entraîneur-chef.
Mes deux cennes
Je me permets une hypothèse. À mon avis, le programme D2, lancé selon un modèle « payer pour jouer » (pay-to-play), a d’abord été incorporé au programme D1 question d’éviter certains enjeux administratifs, comme la reconnaissance du statut de club. En payant pour les services, les joueurs contribueraient au financement des dépenses qu’ils allaient engendrer. Ainsi, ça n’aurait pas réellement d’impact sur la rentabilité du programme de hockey masculin dans son ensemble.
De cette façon, on a pu recruter des joueurs en leur disant qu’ils auraient la chance de participer à des séances d’entraînement conjointes avec l’équipe D1, qu’ils auraient accès à certains avantages reliés aux commandites de l’équipe D1 (des bâtons gratuits, par exemple) et qu’ils pourraient même éventuellement faire le saut en D1.
Les choses ne se sont finalement pas passées comme ça. Les deux équipes étaient essentiellement isolées l’une de l’autre et ce qu’on faisait miroiter aux joueurs n’était pas au rendez-vous parce que ça coûtait plus cher qu’on pensait de les faire voyager aux États-Unis comme prévu notamment.
En devenant un fardeau financier au point de devoir utiliser l’argent des donateurs du programme D1 pour éponger le déficit d’opération, on a choisi de larguer le programme D2. On informe les joueurs que c’est maintenant à eux de s’occuper de tout. Et on explique au passage que la compétition de l’ÉTS et de l’UQAC est déloyale parce que ces institutions financent leur programme de hockey masculin D2.
Comme mentionné précédemment, tout ne serait pas encore perdu pour les étudiants-athlètes de l’équipe de hockey D2. Une rencontre devrait avoir lieu mercredi à 11h entre un groupe de joueurs et le CSU pour tenter de réévaluer la décision. Il serait alors possible de relancer le programme. Mais comme un joueur me l’a dit : « On fait quoi une fois qu’on a le statut? On n’a aucune idée comment s’organiser. On ne connaît pas ça et personne ne nous y a préparé. »
Enfin, je peux vous confirmer que la déception est grande en ce moment chez de nombreux membres de cette équipe de hockey D2. L’impression d’avoir perdu temps et énergie est bien réelle.
« On était prêt à payer pour jouer en sachant qu’on participait à lancer une nouvelle ligue de hockey universitaire. On était fier de porter les couleurs de Concordia en se disant qu’on partait une ligue qui allait offrir des occasions de jouer du bon niveau tout en étudiant. Mais après trois ans, j’ai l’impression d’avoir donné 9000 $ pour rien. Et je ne veux même pas parler du calibre de jeu de la ligue et du sentiment que rien ne semblait s’améliorer. »
On continue de suivre ce dossier.