Crédit photos : James Hajjar

48 heures après la deuxième conquête de la coupe Vanier de l’histoire des Carabins, quoi écrire qui ne l’a pas déjà été? Quelle analyse n’a pas déjà été faite? Je ne prétendrai donc pas réinventer l’histoire de ce match, mais pour une dernière fois cette saison, je vous propose mes impressions.

D’abord LE constat : cette défensive était exceptionnelle. Pour un quatrième match éliminatoire consécutif, le groupe dirigé par Denis Touchette a été en mesure d’empêcher l’adversaire d’atteindre la zone des buts. Un exploit qu’il faut savoir mesurer.

Face au Vert & Or de Sherbrooke, on ne pouvait probablement pas qualifier d’exploit le fait de contenir la formation la moins productive du RSEQ. Il n’en reste pas moins que c’était la seule fois en 2023 que Sherbrooke n’inscrivait aucun touché dans un match. Qui plus est, les deux pires performances offensives du Vert & Or étaient survenues contre Montréal en saison régulière avec 285 et 265 verges de gains. Les Carabins ont poussé la note en ne leur allouant que 150 verges en plus d’intercepter deux passes, réussir six sacs et récupérer un ballon échappé.

Puis, à la coupe Dunsmore, contre un Rouge et Or qui retrouvait la grande majorité de ses outils, les Carabins ont accordé 275 verges à une équipe qui en produisait 386 en moyenne par match. Quatre interceptions, deux sacs et de très gros jeux à des endroits clés sur le terrain ont encore une fois permis de protéger la zone des buts.

À la Uteck, le défi a été encore plus gros. Les Mustangs de Western étaient invaincus, oui, mais ils formaient surtout la meilleure offensive au Canada. Une moyenne de 43,8 points et 520,4 verges par match. Deuxièmes par la passe et cinquièmes par la course, les Mustangs avaient tous les outils pour faire mal paraître les défensives les plus coriaces. Les Carabins leur ont dit non dans une performance anthologique où ils ont créé six revirements en première demie pour donner l’impression d’une victoire facile.

Facile au point où certains ont cru que la coupe Vanier était dans la poche une semaine avant le temps. Grossière erreur. Cependant, la défensive des Carabins, elle, savait dans quoi elle s’embarquait. Elle était en mission. C’est que les Thunderbirds de UBC n’étaient pas là par hasard. On parle de la 3e attaque au pays pour le nombre de verges par match, la 5e pour les points.

Le quart Garrett Rooker et le receveur Sam Davenport étaient troisièmes pour les verges gagnées par match au Canada à leur position respective. Davenport avait la meilleure moyenne par réception avec 24,4 verges. Et le porteur Isaiah Knight était 7e pour les gains au sol par match. Et que dire des deux tours à chaque extrémité de la ligne offensive? On parle de potentiel NFL dans leur cas.

Bref, il a fallu tout leur petit change aux gars de Denis Touchette pour contenir une attaque bien outillée. Ça a été loin d’être de tout repos, mais encore une fois les hommes en bleu ont tenu leurs adversaires à l’écart de la zone des buts. Un exploit remarquable. Dans ce match, les Miessan, Farinaccio, Montas, Maisonneuve, Ojo, Roy, Elshal, Perrier, Gauthier, Doyon, Lagacé, Saint-Cyr, Francon ont parfois plié, mais n’ont jamais cassé.

Oui, Rooker, calme et concentré, arrivait à gruger le terrain, en deuxième demie particulièrement. Mais chaque fois que les Thunderbirds ont menacé, les Carabins se sont levés.

À la fin du premier quart, UBC venait de parcourir 62 verges. Nicolas Roy et Édouard Doyon sont venus stopper une course de Kapler. Puis c’est la couverture Gauthier qui a forcé Rooker à lancer une passe juste assez imprécise vers Davenport. Les T-Brids ont dû se contenter de trois points. Même chose à la fin du 2e quart. Cette fois, c’est Nicky Farinaccio et Jeremiah Ojo qui ont uni leurs efforts pour réussir un sac sur Rooker sur un 2e et 5 à leur ligne de 29. En début de 4e quart après une séquence de 69 verges, Nicolas Roy a dérangé deux fois Rooker qui a été imprécis pendant que Louis-Philippe Gauthier et Kaylyn St-Cyr assuraient la couverture. Avec moins de trois minutes à jouer, c’est encore Gauthier et Roy qui se sont interposés pour rabattre des passes dangereuses. Et finalement, avec 1:30, c’est la pression exercée par le front défensif qui a forcé des passes incomplètes et clôt le débat.

Farinaccio a été désigné joueur défensif par excellence de la rencontre avec ses 9 plaqués.

L’attaque des Carabins, de son côté, n’a été ni particulièrement bonne, ni particulièrement mauvaise. Mais elle a su être opportuniste, contrairement à celle des Thunderbirds. Quand on a menacé, on ne s’est pas contenté de montrer les crocs, on a mordu.

Jonathan Sénécal était visiblement nerveux en début de rencontre en ne complétant qu’une seule de ses quatre premières passes, dont une interception sur la toute première. Mais on l’a aidé à sa troisième possession quand Gabriel Cousineau a utilisé des schémas de course en utilisant les Halafu, Keita, Chabot et Muganda pour aller inscrire un touché. Sénécal lui-même a aidé sa cause avec une course de 23 verges.

Même chose au 3e quart quand Sénécal a marqué un touché sur une course de sept verges après avoir profité d’un gros bloc d’Alexandre Levac. Autrement, les Bleus ne se sont jamais réellement approchés du but. Sur les 11 autres possessions, si on exclut la toute dernière alors qu’on venait de stopper UBC sur un 3e essai à leur 41, on n’a pas été en mesure de faire mieux que la ligne de 43 de UBC.

Au final, Sénécal a complété 16 de ses 26 tentatives de passes pour 170 verges et une interception en plus de courir six fois pour des gains de 53 verges et un touché. Pas de chiffres impressionnants pour le gagnant du Hec Crighton direz-vous, mais suffisants pour qu’on lui décerne le titre de joueur offensif du match.

Je veux néanmoins de mon côté octroyer le titre de joueur du match à un gars dont je n’ai pas mentionné le nom encore dans cet article, le botteur de dégagement Philippe Boyer. Le football canadien est parfois méprisé pour l’importance de ses botteurs. Mais justement, leur importance est bien réelle. Le football canadien est d’abord et avant tout une bataille constante de positionnement sur le terrain. À ce chapitre, Boyer a complètement éclipsé son vis-à-vis des Thunderbirds.

Avec 38,7 verges en moyenne sur ses dégagements contre 27,8 pour ses adversaires, Boyer a repoussé UBC dans ses retranchements. Trois de ses neuf bottés ont atterri à l’intérieur du 20 adverse. C’est suite à un dégagement de 51 verges au 5 de UBC que ces derniers ont dû concéder les deux premiers points du match. Ses bombes au 4e quart alors qu’il profitait du vent ont assurément contribué à rendre la vie difficile à l’adversaire pendant que l’attaque montréalaise n’arrivait jamais à le faire reculer (6 verges nettes par l’attaque dans les dernières 20:09 du match).

À la coupe Uteck, Boyer avait maintenu une moyenne de 44,6 verges par dégagement contre 32,3 pour son vis-à-vis. À la Dunsmore, face à Vincent Blanchard, membre de la 2e équipe d’étoiles USports, Boyer a aussi eu le dessus avec une moyenne de 43,6 verges sur 10 dégagements, dont trois placés à l’intérieur du 20 adverse, contre une moyenne de 39,9 par Blanchard sur huit bottés dont un à l’intérieur du 20.

Bref, le pied de Philippe Boyer mérite assurément une place de choix dans les souvenirs qui marqueront cette conquête de la coupe Vanier par l’édition 2023 des Carabins de l’Université de Montréal.

À Marco Iadeluca, Gabriel Cousineau, Denis Touchette, Jean-Samuel Blanc, Mathieu Pronovost, Antoine Pruneau, Rémi Giguère, Félix Tessier-Waddell, Marc-André Paradis, Denis Boisclair, leurs assistants, les préparateurs physiques en mental, Manon Simard, William Moylan, Renaud St-Laurent, Raphaël Bergeron-Gosselin et toute l’équipe des Carabins, bravo pour cette grande saison!

Enfin, je termine en vous partageant une information qui permettra peut-être à certains de remettre des choses en perspective dans leur analyse. Le pivot étoile des Bleus était blessé au pouce droit durant les éliminatoires. En plus de se blesser à la main gauche durant le match ultime. Le gars est un vrai, n’hésitez même pas une seconde à le croire.