Crédit photo : James Hajjar

Après six semaines d’activités au football universitaire du RSEQ, le constat est plus limpide que jamais. Le Rouge et Or et les Carabins sont dans une ligue à part. Si personne ne sera surpris d’un tel énoncé, il n’en reste pas moins que l’écart avec les autres programmes qui semblait vouloir diminuer depuis deux ans est reparti complètement dans l’autre sens en 2023.

Les trois matchs éliminatoires en 2022 s’étaient soldés par un écart moyen de 6,7 points. En 2021? 19. En 2020, c’était 26,3. En 2021 et 2022, La saison dernière, le Vert & Or de Sherbrooke avait donné amplement de fil à retordre aux Carabins, allant même leur soutirer une victoire. Lors de la semaine #3 en 2021, Concordia avait vaincu Montréal et Sherbrooke avait gagné contre Laval. C’était la première fois en 20 ans que le Rouge et Or et les Carabins s’inclinaient la même fin de semaine.

Cette saison, les hommes de Marco Iadeluca et de Glen Constantin ont décidé de ne laisser que des miettes à leurs adversaires. Si on enlève la victoire de 31-14 des Carabins contre le Rouge et Or de l’équation, Montréal a vaincu ses adversaires par une moyenne de 32,5 points depuis le début de calendrier. Laval? Par plus de 28 points.

Crédit photo : James Hajjar

Habituellement, je vous fais part de mes impressions des matchs de la fin de semaine. Cette fois-ci, je ne décortiquerai pas en détails les moments forts des deux matchs.

Je pourrais évidemment vous dire que le Rouge et Or a complètement anéanti l’attaque et la défense de McGill. Je pourrais expliquer en signalant les nombreuses blessures sur la ligne défensive des Redbirds ou en ciblant les catchs qu’auraient pu réussir ici et là les receveurs visés par Éloa Latendresse-Régimbald, mais ça serait insuffisant pour décrire ce qu’on observe quand on est sur place.

Bien sûr, Arnaud Desjardins était très fier de la performance de son équipe face à McGill. Selon lui, son équipe avait vraiment exécuté à un très haut niveau. Il a ajouté que qu’il souhaite voir son équipe jouer comme ça à tous les matchs. Dur de le contredire quand on voit des réceptions comme celles de Gaillardetz et Arsenault dans la zone des buts.

ELR quant à lui était déçu de constater que ses Redbirds n’avaient pas pu offrir une meilleure adversité aux champions de la coupe Vanier.

Sauf qu’en deuxième demie, Glen Constantin a déployé tout ce qu’il avait sous la main de réserviste. Et si son équipe a moins produit, c’est simplement que la cohésion que les partants arrivent à créer entre eux n’était pas à point entre les joueurs qui ont vu du terrain. Mais quand on voit des Boutin et des Cool s’aligner comme receveurs, on ne voit pas des joueurs de second ordre. On voit l’avenir d’une grande organisation.

Crédit photo : Mathieu Bélanger

Quand le porteur de ballon Mathieu Roy, qui a fait la pluie et le beau temps à St-Jean-Eudes au niveau juvénile avant de connaître des saisons moyennes à Champlain-Lennoxville, amasse 53 verges au sol et sur réception en une demie. Quand le demi défensif Edward Bolduc explose un receveur de McGill au centre du terrain. On assiste tout simplement à une confrontation entre deux organisations qui ne sont pas du même calibre.

Je peux aussi utiliser des exemples du match entre Montréal et Sherbrooke. Mohamed Elshal, un secondeur de 6’4, qui n’était pas partant en début de saison, a récolté deux interceptions qui ont mené directement à deux touchés des Carabins. Il a terminé le match avec 5 plaqués dont 1,5 pour perte. Imaginez, il est actuellement le complément de Nicky Farinaccio, joueur défensif par excellence au Canada en 2022 et de Harold Miessan, que plusieurs considèrent comme le meilleur joueur défensif du RSEQ après la première moitié de cette saison. Et je ne vous parle pas des autres réservistes au poste de secondeur. Le talent est hallucinant.

La tertiaire est tellement bien nantie qu’un gars qui a fait partie de l’organisation des Stampeders de Calgary ne fait pas partie de la formation partante. Les entraîneurs des lignes défensive et offensive ont des options à la tonne pour venir à la rescousse en cas de blessures. La profondeur est aussi marquée chez les receveurs et les porteurs de ballon. Le joueur offensif par excellence au collégial D1 la saison dernière, le receveur Simon Larose, doit encore gagner ses occasions de jouer.

Crédit photo : James Hajjar

Jonathan Sénécal a été nommé joueur offensif par excellence de la semaine au RSEQ quatre fois à ses quatre premiers matchs de la saison. Il n’a complété que 6 de ses 15 passes en deuxième demie contre Sherbrooke en fin de semaine en plus d’être intercepté une fois. Pourtant, son équipe n’a jamais été inquiétée parce qu’il avait été 9 en 11 avec deux passes de touché lors des 30 premières minutes. C’était 29-3 à la mi-temps.

Bref, je vais le dire comme ça, je suis impressionné par les grandes performances, mais également très déçu de l’opposition. Je ne souhaite pas que les deux grands programmes baissent leur niveau, mais que les autres aient les moyens d’améliorer le noyau de joueurs qu’ils attirent. Il y a plusieurs raisons qui expliquent les écarts et on pourrait en énumérer un paquet. Cependant, il y en a une qui a un impact énorme sur la disparité entre les programmes. Les installations.

Concordia, McGill et Sherbrooke commencent ou vont annoncer des intentions de travaux pour améliorer les vestiaires. Soit. Bien qu’il faille se réjouir de nouveaux investissements, il faut aussi espérer qu’on accélérera la cadence pour offrir aux étudiants-athlètes des options de choix quand viendra le moment du recrutement. Car ne pensons pas que les installations des équipes ne sont que des éléments esthétiques superfétatoires.

Vestiaire du Rouge et Or / Crédit photo : Rouget et Or de l’Université Laval

Quand un jeune joueur soupèse le pour et le contre dans le choix de son université, il y a bien évidemment son programme d’études, mais l’environnement où il continuera – et probablement terminera – sa carrière sportive de compétition est primordial. Dans le cas du football, oui, Montréal et Laval gagnent plus souvent. Mais quand un étudiant-athlète sort du cégep et qu’on lui fait visiter des installations de moins belle qualité que celles où il a évolué lors des 2-3 dernières années, cet aspect tombe dans la colonne des contre.

Plusieurs excellents joueurs songent sérieusement à se joindre aux autres organisations. L’opportunité d’étudier dans la prestigieuse McGill, de vivre l’expérience d’une ville universitaire comme Sherbrooke ou d’être entraîné par un groupe comme celui de Concordia vaut certainement le coup. Mais quand on voit les vestiaires, les gymnases et tout l’encadrement sportif qu’offrent le Rouge et Or et les Carabins, ça devient difficile de ramener la balance.

La direction des sports de McGill ne peut pas laisser aller son programme de football comme ça. Il faut donner un coup de main à Ron Hilaire lorsqu’il recrute. Daniel Méthot est un homme d’expérience et intelligent qui sait très bien ce qui se passe. Il aurait mentionné après la dernière rencontre que les résultats n’étaient pas ceux attendus et qu’il était bien au courant de la vétusté des vestiaires. Pourra-t-il faire bouger les choses rapidement?

À Sherbrooke, des travaux ont été annoncés pour la construction d’un nouveau vestiaire avec douches pour l’équipe de football. Ça prendra davantage que ça. Mathieu Lecompte et son groupe travaillent tellement fort pour attirer la crème du football collégial. L’université doit lui donner un gros coup de pouce. Avoir un terrain de haut niveau serait un minimum.

Stade du Vert & Or / Crédit : Vert & Or de l’Université de Sherbrooke

Concordia annonce sur son site Web être en période de levée de fonds pour la réalisation d’importants travaux dont la construction d’un nouveau stade de 5000 places permanentes, une nouvelle salle de musculation et un local de thérapie sportive. Aucun délai n’est toutefois mentionné.

On parle de football, mais tout ça apportera du positif pour bien d’autres sports en plus d’améliorer l’image de ces universités. Bien entendu, je n’ai pas d’oeillères. Je sais très bien qu’une institution comme une université n’a pas à placer le sport avant toute chose dans ses priorités. Je sais que McGill ne perdra pas son aura sur la scène internationale parce que les Redbirds perdent 46-14 contre le Rouge et Or.

Par contre, comme me l’avait déjà mentionné l’ancien responsable des sports des universités Laval et UBC, Gilles Lépine, m’avait raconté qu’en 2020, un rapport de la NCAA mentionnait que seules 25 des 1102 institutions membres engrangeaient des revenus supérieurs à leur dépenses. Aucune de celles-là en divisions 2 ou 3. Cependant, les recteurs des universités américaines voient les dépenses sportives comme des investissements qui rapportent à d’autres niveaux. Pour eux, c’est une question de culture.

Est-ce que le Québec a une culture sportive? Si on se fie à ce qu’on voit dans nos universités, la réponse est trop souvent non.

P.S. Kevin Mital a reçu une injection de cortisone pour faire diminuer la douleur dans sa cheville blessée. Souffrant d’une entorse haute (high ankle sprain), il voit son cas être évalué au jour le jour. Le joueur par excellence au Canada en 2022 vise le prochain duel contre les Carabins pour son retour.